mercredi 15 février 2012

Frankie!

Il vous est arrivé un truc terrible !

Vous avez passé plus de deux heures à rire, à frémir, à vibrer devant une histoire géniale desservie par des acteurs incroyables… et ce n’était même pas un film. Non, vous avez vu une comédie musicale, et quelle comédie musicale !
Un spectacle digne de Broadway ou du West End londonien, un grand moment de musique et de danse, une merveille de mise en scène et d’interprétation. Une pièce qui ne se prend pas au sérieux, et dont le second, voire le millième degré vous a enchantée.

Mais nous sommes en France, nom de Zeus ! Cela est-il encore possible dans la patrie des Kamel Ouali et autre Pascaux Obispo ? *

Eh bien oui. Bien entendu, ce n’est pas surmédiatisé, pour ne pas dire qu’il n’y a pratiquement aucune publicité – vous en avez entendu parler par un ami. Et, bien entendu, cela ne se passe pas au Palais des Congrès ou autre salle familiale géante. Et c’est tant mieux.
Vous souhaitez beaucoup, beaucoup de succès à la troupe, parce qu’ils le méritent. Mais vous êtes, quelque part, heureuse que les murs du métro ne soient pas couverts d’affiches promotionnelles, et que les comédiens ne passent pas chaque soir sur un plateau télé différent – c’est un peu comme si vous aviez découvert un merveilleux petit restaurant et que vous ne vouliez pas qu’on l’envahisse et qu’il soit dénaturé. Vous voulez y envoyer vos amis, votre famille, vous souhaitez à tout le monde la fantastique sensation de bonheur que vous avez ressentie et, paradoxalement, vous n’aimeriez pas que toute la capitale s’approprie ce spectacle. C’est bête, hein ? Vous avez la délicieuse sensation de faire partie du petit cercle de privilégiés ayant eu la chance de découvrir cette perle avant la fin des représentations, dans l’intimité d’un petit théâtre parisien, et cela ajoute encore à votre enthousiasme.

Mais assez d’égoïsme – passons aux choses sérieuses.

Le spectacle en question s’appelle « Frankenstein Junior », et c’est une adaptation du Musical américain qui se joue à Broadway depuis quelques années, lui-même adapté du film de Mel Brooks. Ca se joue au théâtre Dejazet, pas loin du McDonald’s République où vous avez poussé la chansonnette en sortant (que voulez-vous, c’est VRAIMENT entraînant).
De Mel Brooks, vous ne connaissiez que « Les Producteurs » - vous chantonnez d’ailleurs souvent le très drôle « Springtiiiiime for Hitler and Germaaaaany », ce qui est par ailleurs assez inconvenant, hors contexte, si vous n’êtes pas chez vous. Bref.
Vous n’en attendiez pas grand-chose, pour être honnête – un bon moment, sans plus. Après tout, on est en France, vous avez appris à vous méfier. Comme quoi c’est mal, d’être pleine de préjugés. Vilaine fille que vous êtes.

Dès la première chanson, vous avez compris que ça allait être bien. Le parolier a fait un travail d’enfer, parce que le français ne vous a pas dérangée le moins du monde ; c’est bourré de jeux de mots très drôles, d’allusions rigolotes, et rien n’est niais. La musique d’origine étant déjà géniale, ce fut un régal. On ne perd jamais le rythme, c’est une merveille de timing, un vrai cartoon animé ; les gestes, les regards, tout est pensé en fonction de la musique, et ça ne s’arrête jamais.
Les acteurs sont exceptionnels – vous allez encore être mauvaise langue mais vous ne pensiez vraiment pas que l’on pouvait trouver de tels talents à Paris. De vrais performers à l’américaine, polyvalents, qui dansent, chantent et joue à la perfection. Et ils ne se contentent pas de chanter juste, ils ont des VOIX ! Vous avez envie d’engager illico tous les acteurs pour votre prochain court-métrage.
Le héros, descendant de la lignée des Frankenstein, est entouré de trois rôles comiques absolument hilarants (une assistante blonde énamourée, un valet bossu et une gouvernante austère) ; pour vous, une bonne histoire repose sur les seconds rôles, et ceux là ont justement tout compris. Mais la véritable réussite est d’avoir également réussi le rôle principal ! C’est bien connu, trois fois sur quatre, les héros sont gonflants. Déjà toute petite, vous détestiez Docteur Quinn. Et maintenant, vous préférez Simon Pegg à Tom Cruise dans Mission Impossible – bon, d’accord, l’exemple est nul, tout le monde déteste Tom Cruise. Peu importe ; ce que vous essayez de dire, c’est que le Docteur Frankenstein est dé-li-cieux. Il ressemble à Victor dans « Les noces funèbres », et il est juste parfait – encore une fois, un vrai cartoon vivant. Les mimiques, le jeu chronométré, nom de Zeus, ce type était fait pour la comédie. Il faut dire que le personnage est une merveille d’écriture, mais quand même… une réussite, vous ne voyez pas d’autres mots.

Ce spectacle vous a embarquée comme un bon film ne l’avait pas fait depuis longtemps, et vous a collé la patate pour au moins une semaine. Vous aimeriez savoir chanter et faire des claquettes. Vous aimeriez que la vie soit une comédie musicale.

Une, deux !
Je n’ai pas de travail, le cinéma ne m’aime plus,
Mais ce n’est pas grave, car on chante dans la ruuuue !

Bon, OK, faut encore bosser dessus. Mais vous pétez le feu !

Ce blog n’a pas été créé dans le but d’y faire des critiques ou d’y promouvoir des choses, mais vous teniez à parler de Frankenstein pour une raison toute simple : ce spectacle vous a offert ce que vous ne trouviez plus au cinéma. Ou, du moins, trop rarement.
Un public respectueux, attentif, réactif (dans le bon sens du terme). Pas de téléphone portable allumé et d’insupportable lumière qui attire l’œil. Pas d’abrutis dégénérés qui parlent pendant la séance. Pas de pop-corn. Juste des gens qui savourent.
Des comédiens d’une gentillesse et d’une humilité rares, sincèrement touchés de recevoir des compliments. Quelque chose qui se perd, même dans le court-métrage…
Un spectacle de qualité, créatif, où l’on sent que tout le monde aime ce qu’il fait et prend son pied. Vous aviez oublié ce que c’était, à force de côtoyer des vautours.

Vous aimeriez les remercier, en fait. Tout d’abord parce qu’ils vous ont prouvé que les Français ne sont pas tous nuls, arrogants et ennuyeux, et qu’on peut faire aussi bien, voire mieux, que les anglo-saxons. Il suffit d’essayer… et d’aimer ce que l’on fait !
Ensuite, parce que vous êtes gonflée à bloc – vous avez des envies de mise en scène comme jamais, et vous voulez définitivement vous frotter à la comédie musicale un jour.
Et enfin, parce qu’ils vous ont tout simplement remonté le moral. Parce que vous souriez bêtement en repensant au spectacle, et que vous êtes de bonne humeur pour des jours et des jours.
Et ça devrait arriver plus souvent !




* Un Pascal, des Pascaux. Non ?

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