mardi 14 février 2012

Boulette Girl.

C’est le cœur léger que vous écrivez ce message… Enfin, léger mais pas trop.

Léger parce qu’il s’avère que vous avez réussi à approcher le Maître après la master-class, et que vous avez même obtenu un autographe – qui est déjà sous verre dans un cadre en forme de clap, cela va de soi.
Mais pas trop parce que, fidèle à vous-même, vous avez trouvé le moyen de gaffer…

Cela méritait bien un billet !

Lundi neuf janvier de l’an de grâce deux mille douze, donc. Vous descendez du métro à la station Bercy et approchez lentement de la Cinémathèque. Bon, à vrai dire, vous étiez dans un état de stress et de désespoir total, et vous marchiez très vite – la scène se passe simplement au ralenti quand vous y repensez.
Bref. Vous apercevez un tapis rouge, une voiture de la télé, et quelques dizaines de personnes qui attendent déjà. Ouf – au moins, vous ne serez pas coincée au vingtième rang derrière cinq cent personnes… Vous approchez, l’air de rien, et allez vous accouder nonchalamment derrière la barrière, le long du tapis.
Catastrophe – il semble que vous soyez la plus vieille… Vous avez même plutôt l’impression d’attendre un boys band, c’est à n’y rien comprendre ! Vos voisines de barrière (seize et vingt ans… magnifique) entament la discussion avec vous.
Voisine numéro un : jolie petite demoiselle de seize ans serrant fébrilement dans ses bras un DVD de « E.T. ». Elle parle effectivement de Steven Spielberg comme s’il s’agissait d’un boys band, mais c’est assez mignon, au final. Elle est en section audiovisuelle mais ne sait pas si elle veut entamer une carrière dans le cinéma ; pour être honnête, vous avez un peu peur parce qu’elle fait plus «fan hystérique» que «admiratrice qui veut parler posément comme une professionnelle». Mais ne critiquons point, elle a été très gentille avec la vieille personne que vous êtes.
Voisine numéro deux : adorable petite étudiante de vingt ans, qui passait par là par hasard et a décidé de rester quand elle a vu l’invité du jour. Dieu merci, elle vous parle des fans qui font peur et fait front avec vous contre les hystériques bizarres et autres adolescents déguisés en Indiana Jones. Tout de même, vous n’êtes pas rassurée.

Vous décidez de vous lancer dans une étude sociologique et demandez donc à vos voisines comment elles ont connu le Maître – elles sont quand même nées après «Jurassic Park»… Réponse unanime : tout a commencé à force de voir «E.T.» à la télé quand elles étaient petites. C’est mignon, ça vous touche – on est tous un peu pareils, finalement. Même si vous vous imaginiez qu’elles avaient du découvrir Spielberg avec des films plus récents – mais en y réfléchissant, ça impliquait qu’elles aient vu « Il faut sauver le soldat Ryan » en étant toutes petites, et elles n’avaient pas l’air d’avoir des problèmes psychologiques majeurs.

Après une attente interminable et la quasi perte de vos doigts de pied, ça y est – il se passe quelque chose. Kathleen Kennedy arrive, signe des autographes. Puis Costa-Gavras, Niels Arestrup (tout le monde s’en contrefiche, c’en est presque gênant)… Puis Il arrive.
Alors là, tous vos rêves s’effondrent, parce que vous vouliez lui serrer la main en lui disant quelques mots, et c’est râpé ; tout le monde crie et se monte dessus, et tout ce qu’il peut faire, c’est signer des autographes à la chaîne.
Votre côté sadique jubile, parce que des types qui ont assisté à la master-class sont en train de vous escalader (littéralement) pour tendre un malheureux t-shirt à signer. Rien de sexuel – vous êtes contente parce que ceux qui ont assisté à l’interview n’ont rien pu obtenir et sont désormais obligés de s’aligner derrière vous, HA !

Il approche… Votre voisine de seize ans tend son DVD, il le signe ; elle lui demande si elle peut prendre une photo avec lui, et il lui répond que non, trop compliqué, pas possible, désolé… Il arrive vers vous. Puisque ni poignée de main ni discussion ne sont possibles, vous tendez votre carnet de notes ; tant qu’à faire, autant avoir un autographe en souvenir… Il signe, et là… là…

Là, c’est là où vous avez merdé. Vous n’arrêtez pas d’y repenser. Ca fait un mois que vous en êtes malade. Depuis, vous rêvez que vous rencontrez Spielberg pratiquement toutes les nuits, et que vous rattrapez le coup (véridique… je sais, c’est grave). Et le pire, c’est que votre petit-ami a filmé la scène. Super. Vous pourrez vous repasser ça en rigolant quand vous fêterez votre Oscar avec Tonton Steven, en deux mille quelque chose. Ha, ha, ha.

Vous lui dites « Merci Monsieur. J’espère qu’un jour, je ferai un film avec vous ». Enfin, ça, c’est que vous vouliez dire. Parce que sous le coup de l’émotion, vous ne savez pas pourquoi, vous lui dites « Thank you Sir. I hope I’ll make a PICTURE with you someday ».
A picture. UNE PHOTO. Non mais quelle idiote, quelle teubée, quelle abrutie, quelle dégénérée du bulbe. Une photo. Comme une petite fan hystérique. Une photo. Vous êtes vraiment une quiche, vous coiffez toutes les Bridget Jones du monde au poteau. Une photo. Photo, photo, photo.
Le pire, c’est qu’il sourit et vous répond « Maybe, someday ! ». Gnnnnnn. Depuis, ça cogite sec, là dedans. Vous avez retourné le problème dans tous les sens. Sachant que l’on dit « take a picture » et non pas « make a picture », a-t-il compris ? L’a-t-il pris comme un film, un motion-picture ? Ou vous a-t-il vraiment prise pour une pauvre fan hystérique qui veut juste sa photo avec un monsieur connu ?

Il y a plus d’un an, sur ce même blog, après avoir rencontré M. Night Shyamalan, vous terminiez un article en précisant l’importance de savoir parler anglais, afin d’être en mesure de dire des conneries aux gens que l’on admire. CQFD.


Très maigre consolation : la master-class était nulle.




Picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture, picture!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire