jeudi 16 février 2012

Chauvinisme.

(Ami lecteur, si tu souffres d’une légère overdose de Spielberg, passe ton chemin – ce billet lui est à nouveau, en partie, consacré…)


Vous êtes furieuse. Vous venez de lire l’article que le dernier Télérama (n° 3240, 18 février 2012) a consacré à Spielberg.
En soi, cet article n’est pas catastrophique – venant de Télérama, on pouvait s’attendre à quelque chose de très, très critique, et étrangement, il n’en est rien. On y trouve même des passages plutôt sympathiques, tels « A la cinémathèque, Spielberg, 65 ans, a dit que le cinéma lui procurait la même excitation qu’à ses débuts, et on le voyait à ses yeux, qui pétillaient formidablement ». Télérama qui parle de cinéma et d’yeux qui pétillent dans la même phrase ? C’est de la science-fiction. Vous avez même souri. La double page est joliment décorée d’affiches de ses films et ô, surprise, il s’agit de «Jurassic Park», «Les Dents de la Mer» ou «Indiana Jones» - pas de «Minority Report», «Munich» ou tout autre film plus apprécié des intellectuels parisiens…

Certains passages vous ont toutefois prodigieusement énervée – ce n’est même pas Télérama qui est en cause, pour une fois, mais l’incroyable bêtise du cinéma français… pour changer.

« Il a fallu vaincre certaines résistances internes, explique le directeur de la Cinémathèque, Serge Toubiana. Se battre contre des préjugés – Spielberg est-il ou n’est-il pas un auteur ?».
Sérieusement ? En sommes-nous vraiment là ? La Cinémathèque n’est-elle pas censée embrasser le cinéma dans son ensemble ? Elle ne s’appelle pas la Filmdauteurothèque, pour ce que vous en savez…
Bref, vous commencez à grincer des dents…

Suite de l’article, blabla, très bien. Puis arrive un passage sur la Fémis, la «pépinière du cinéma français de demain» (sic). Et là, vous manquez de vous étrangler avec vos Chocapic. On interroge un étudiant en troisième année de réalisation, qui déclare que «(…) Spielberg dit qu’un metteur en scène doit parfois simplement donner au spectateur ce qu’il veut recevoir, être au service de son plaisir. A la Fémis, certains trouvent qu’un cinéaste ne doit pas se mettre à ce point au service du spectateur. Pour moi, Spielberg fait preuve là d’une humilité intéressante».
Très bien, très bien. Cela en dit long sur le cinéma français d’aujourd’hui et de demain. Nos yeux n’ont pas fini de souffrir…
Combien de fois la presse et le public ne se sont-ils pas demandé pourquoi les Français n’étaient pas capables de produire des grands films de divertissement du même niveau qu’un « Indiana Jones » ? Nous en revenons toujours au même problème : parce que les écoles de cinéma françaises, et pas uniquement notre amie la Fémis, poussent leurs élèves à croire que le plaisir, c’est MAL. Les Musulmans n’ont pas le droit de manger de porc. Les Juifs n’ont pas le droit de manger des crevettes. Les pratiquants de tous poils n’ont pas droit au sexe avant le mariage. Et les réalisateurs français n’ont pas le droit de faire rêver.

Vous êtes mal barrée.

A ceci s’ajoute votre colère d’hier soir (oui, vous êtes beaucoup en colère). Vous regardiez « La Quotidienne du Cinéma » sur internet ; l’émission en question était consacrée à Spielberg.
L’une des intervenantes, que vous n’aviez jamais vue de votre vie, a basé sa chronique sur une interrogation pour le moins aberrante : Spielberg est-il misogyne ? Elle n’a pu s’empêcher d’en rajouter une couche en précisant que dans ses films, selon elle, la femme avait toujours le rôle de la mère.

KEUWA ?!
Spielberg, l’homme a qui l’on doit les prodigieuses aventurières rigolotes que sont les femmes de « Always », « Jurassic Park », « Le Monde Perdu », « Indiana Jones » et compagnie? Que fait donc cette chroniqueuse de la fée Clochette ? Des Ellie Sattler, Sarah Harding et surtout, surtout, de Marion, la femme qui tient tête à des brutes dans des concours de boissons fortes au fin fond des montagnes ?
Vous avez grandi avec ces personnages, ces grandes gueules libres et fières qui font le désespoir de votre grand-mère – si vous aviez grandi avec des princesses, peut-être que vous lui auriez enfin donné des petits enfants et gnagnagna.
La femme chez Steven Spielberg mériterait des pages entières et l’intéressé, quant à lui, peut-être taxé de tout sauf de misogyne. Pour vous, cela n’a toujours été rien d’autre qu’un rendez-vous manqué.
Personne n’a jamais reproché à Tim Burton d’offrir tous ses rôles principaux à Johnny Depp – un mâle, mon Dieu !
C’est vraiment critiquer pour critiquer. Honnêtement, penchons-nous sur la question : à part James Cameron, qui écrit toujours des rôles féminins d’une importance et d’une force égale aux rôles masculins, quel grand réalisateur peut se targuer d’avoir réalisé un grand film dont l’héroïne est une femme ? Oh, il y aura forcément deux ou trois exemples à trouver mais objectivement, la plupart des grands films de l’histoire du cinéma ont un homme pour héros. Et alors ? On s’en contrefiche ! Que la critique française chérisse François Ozon et ses potiches si elle le souhaite – Spielberg vous convient très bien. Le manque de femmes au cinéma est aussi du au manque de réalisatrices derrière la caméra – il vous paraît normal qu’un cinéaste masculin se projette dans un héros du même sexe, et l’on n’y réfléchit même pas lorsque l’on écrit un scénario.


En guise de vengeance contre le cinéma français, voici donc votre bête vengeance du jour: un pitch de film français sur la St Valentin – dans l’urgence, c’est la première chose à laquelle vous avez pensé. Nah.

Musique dissonante. Il pleut. Nous sommes dans le Nord de la France. Un homme pisse dans sa baignoire en se lavant. Il se regarde ensuite dans son miroir pendant cinq minutes. Il a les cheveux gras. Il tousse. Il sort. Il va dans un PMU glauque éclairé au néon et commande un café au barman en marcel. Et là il rencontre la femme de ses rêves, du type Yolande Moreau. Et il lui dit "Bonjour". FIN.



(J’espère que Télérama me pardonnera d’avoir retranscris ici quelques extraits de l’article. Ca ne sert à rien de me faire un procès, je n’ai pas d’argent. Mais bon, on peut dire que je leur fais de la pub, non ? )

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