jeudi 21 octobre 2010

Dépression post-natale et autres histoires.

C’est foutu – vous êtes officiellement en plein baby-blues. Ne nous méprenons pas : aucun petit être suintant et dégoulinant de mucus n’a récemment jailli de vous, écartelant tout ce qui se trouve sous vos sous-vêtements Bob l’Eponge. Dieu merci, vous êtes toujours un être libre, insouciant et immature, et le monde vous appartient (… potentiellement).
Non, ce qui est arrivé est pire encore : vous avez accouché d’un beau court-métrage, et vous êtes désormais TOTALEMENT désœuvrée. Après des semaines de frénésie, vous réalisez avec amertume que l’aventure touche à sa fin. Le mixeur mixe. L’étalonneur étalonne. Le compositeur compose. Le réalisateur déprime.

Certes, vous attendez impatiemment votre première projection, à laquelle vous comptez bien convier la moitié de l’hémisphère nord. Et il y a les festivals – vous jouez les blasées mais vous fantasmez secrètement sur un océan de gloire, cela va de soi.

Oh ! Vous, là, dans le fond. Arrêtez de me prendre pour une mégalomane. Il faut bien croire un peu en ses métrages, qu’ils soient courts ou longs…

En l’occurrence, vous aimez bien votre dernier bébé. Il n’est peut-être pas parfait, mais vous êtes fière du travail accompli. Et vous riez toujours à la cinquantième vision, ce qui est plutôt bon signe. Bien entendu, vous restez lucide : tout ce à quoi vous pouvez prétendre, c’est un prix du public... C’est que, voyez-vous, vous êtes une rebelle : vous avez réalisé une comédie. Avec une touche de fantastique. Autant dire que, n’ayant pas philosophé sur le sens profond de la vie, vous ne pensez pas vraiment être en mesure de battre une bonne bouse estampillée FEMIS.
Et alors ? Le prix du public, c’est la plus belle récompense qui soit – vous voulez faire rêver les gens, ou, du moins, les faire rire après une journée de merde. On n’est pas là pour faire plaisir à Télérama…

Assez digressé, revenons en à la dépression.

Peu importe le plaisir de voir son film terminé, d’entendre les gens rire et de les voir applaudir (ou pas… hum) : l’orgasme est derrière vous. On dira ce qu’on veut, mais le tournage, il n’y a quand même rien de tel…
Bon, nous sommes d’accord : tourner, ce n’est rien. Ce n’est que le début d’une longue série de nouvelles aventures rocambolesques, pour ne pas dire de déprimantes emmerdes. Mais ceci est une autre histoire…
Tout cela sans compter, bien sûr, cette fameuse maxime, rédigée par un célèbre auteur au dix-huitième siècle : « on verra en post-prod’ ». Tant d’êtres innocents ont été sacrifiés de par les âges parce qu’un imprudent avait prononcé ces mots…
Toujours est-il que l’apothéose d’une épopée cinématographique, le climax de l’élaboration de votre film, bref, le top du top, pour vous, c’est le tournage. Ze place to be. L’endroit magique où l’on prend son pied. Après, ça retombe un peu. Comme un orgasme, je vous dis ! Vous êtes sur votre petit nuage et vous savez qu’il y en aura d’autres. Mais pour l’instant, c’est fini, et faut aller faire à bouffer, parce que les émotions, ça creuse. Retour à la réalité.

Accessoirement, il se trouve que vous êtes une illustre inconnue, et que personne ne va venir vous chercher, portefeuille en main, pour vous proposer de réaliser un nouveau court-métrage. Là, tout de suite, maintenant, votre avenir est plus qu’incertain. Diantre. Quand allez-vous donc à nouveau crier « action » ?!
Vous avez carrément la pression, en fait. Votre film a intérêt de cartonner, sans compter qu’il est, pour l’instant, le dernier petit fil ténu vous rattachant un tant soit peu au monde merveilleux du cinéma.

Pour ajouter à l’ironie de votre situation, vous êtes en pleine mission d’intérim. Jusque là, rien d’extraordinaire. Vous passez vos journées sur des chèques et des dossiers de cotisation retraite – PASSIONNANT. Oui, si ce n’est que vous bossez pour la boîte qui gère tout le monde du spectacle, et que vos petits yeux de lapin myxomatosé voient défiler d’heure en heure des noms de boîtes de production prestigieuses. Ces enfoirés de chèques sautent sur le bureau, vous montrent du doigt et se foutent ouvertement de vous : « Ah ah ah ! T’as vu où tu pourrais bosser, espèce de smicarde ? »

Putain. Que quelqu’un me trouve un concours de scénario, vite !