jeudi 23 mai 2013

LE MOMENT LE PLUS HUMILIANT DE TOUTE VOTRE VIE

Du moins, c’est ainsi que vous le prenez, là, tout de suite, maintenant. Vos mains en tremblent encore – de rage, d’effroi, de désespoir. Vous avez envie de fracasser votre chaise sur le comptoir devant vous puis de vous rouler en boule pour pleurer.

Vous travaillez comme hôtesse pour la semaine – un remplacement, comme d’habitude. Et vous êtes là, assise derrière votre comptoir, dans votre putain d’uniforme, les cheveux attachés (il est de notoriété publique que vous ne ressemblez à rien avec les cheveux attachés), quand deux visiteurs se dirigent vers vous. L’homme prend la parole, et vous ne prêtez donc pas attention à la femme qui l’accompagne ; vous notez son nom dans le registre, puis demandez le nom de sa collègue.
« Mme Malcolm », vous répond-il. Oui, bon – il va sans dire que vous n’allez pas donner le vrai nom de la personne en question. Autant le remplacer par un nom qui met de bonne humeur, comme celui d’un personnage de Jurassic Park – au hasard…

Mme Malcolm ? Vous la regardez.
OH. MON. DIEU – la désormais célèbre tirade de Lambert Wilson dans Matrix Reloaded résonne dans votre tête. Nom de Dieu de putain de bordel de merde de saloperie de connard d'enculé de ta mère. Et c’est un euphémisme.

Vous étiez au collège avec la jolie Mademoiselle Malcolm, qui habitait à environ cinq cent mètres de chez vous. Elle était en sixième quand vous étiez en troisième et surtout, surtout, vous avez été désespérément, irrémédiablement, abominablement folle amoureuse de son grand frère. Pendant des siècles. Votre première bluette adolescente – le truc typique, vous aviez treize ans, il en avait quinze, vous appeliez chez lui avec vos copines juste pour entendre sa voix et vous vous imaginiez qu’avec un peu de chance, vous partiriez en croisière avec le collège et que vous tisseriez des liens à la proue d’un bateau. Votre premier amour, naïf à souhait, niais au possible, absolument sans espoir (vous portiez des pantalons turquoise, tout de même, et même des pantalons FUSEAU), mais votre premier amour !
Le temps a passé ; vous avez grandi, vous vous habillez avec goût – du moins vous semble-t-il, vous avez aimé mille garçons depuis (façon de parler, cela va sans dire), et vos fantasmes sont un peu plus sauvages et… sympathiques. Mais vous n’avez jamais oublié M. Malcolm – comment le pourriez-vous ? Le pauvre garçon a sans doute contribué à développer votre imagination…

Aussi piquez-vous un fard quand vous reconnaissez la demoiselle, et qu’elle semble vous reconnaître. Vous ne rougissez pas en souvenir des innombrables fois où vous avez vu son frère complètement nu (dans vos rêves, donc) ; non, vous rougissez parce que cette fille, qui vous aimait bien, qui parlait de vous à son grand frère, avec qui vous avez mangé au self, traîné dans la cour de récré, rigolé, joué les grandes sœurs, eh bien cette fille est en face de vous, jeune, jolie, la bague au doigt, consultante en management, et cette fille DOIT AVOIR PITIE.

Vous n’avez qu’une envie, c’est de vous lever, de faire de grands gestes et de crier « non mais je suis réalisateur, en fait !! »

Que les choses soient claires – le mariage ne vous intéresse pas, et vous n’avez pas envie d’être consultante en management. Mais, le coup de vieux mis à part, vous vous sentez sale, bête, moche, ratée.
Oubliés, le bac scientifique, le diplôme de technicien supérieur de l’audiovisuel, le Master of Arts. Oubliés, les concours de scénario gagnés, les clips à six-cent mille vues, votre prochain tournage dans une semaine, les gentils lecteurs qui parcourent votre modeste blog.
Là, vous êtes une potiche derrière un comptoir.

Vous avez envie de disparaître sous le bureau. Sous terre. Ou même de changer de galaxie.

Vous avez envie de lui crier « ne raconte pas ça à ton frère ! A tes parents ! A notre ville!».

Vous qui avez toujours refusé d’être serveuse ou vendeuse, de peur que l’on vous reconnaisse… EH BEN C’EST LE POMPON !

Et accessoirement, un hasard extraordinaire.

Maigre consolation : vous n’êtes pas seule. La grande majorité de vos amis saltimbanques ne vit pas non plus de son art.
Des amies actrices sont animatrices de goûter d’anniversaires ; déguisées en pilote de course ou en reine Amidala, elles supportent des gosses de riches avec gâteaux d’anniversaire à leur effigie et liasses de billets dans leurs mini-costumes.
Un ami acteur, en costume trois-pièces, travaille à l’accueil d’une banque de luxe.
Une amie maquilleuse travaille comme vendeuse pour un magasin de sport ; l’autre officie à l’administration d’un centre de loisirs.
Une amie scripte est standardiste.
Un ami décorateur travaille dans une chaîne de restaurants.
Un ami réalisateur a un travail de bureau chez un constructeur automobile ; un autre confectionne des hamburgers ; un troisième peaufine son scénario de long-métrage tout en travaillant pour une grande chaîne de cinémas.
Un ami chanteur travaille au service après-vente d’une société de portes de parking ; son agent est policier municipal.
La liste pourrait continuer encore, et encore, et encore.


Un jour, au lycée, après avoir perdu un concours de scénario avec une amie, celle-ci a décrété que le monde « n’était pas prêt à accueillir l’immensité de votre talent cinématographique ».

Mouais.
On ne vous ôtera pas de l’esprit que le destin est quand même un sacré petit comique.

Comme dirait Dan Akroyd dans Evolution : mille sabords de couilles de pute.


lundi 6 mai 2013

Les copines.

Votre job (purement alimentaire, faut-il le préciser) d’hôtesse d’accueil vous déprime ; vous avez régulièrement l’impression d’avoir été parachutée dans un épisode de la série «Sophie et Sophie».
Vos collègues sont très gentilles avec vous, certes ; en revanche, les heureux employés qui leur demanderont un service seront rapidement taxés d’enculés et de connasses. Que vous êtes bête – on ne paye tout de même pas les gens pour travailler…

Le problème, c’est cette ambiance de filles. Il n’y a rien de pire que les filles au travail, c’est un fait universel. Oh, bien sûr, il en existe, des demoiselles sympathiques et sincères, des filles simples avec qui l’on ne se prend pas la tête ; mais que celui qui n’a jamais travaillé avec des pestes me jette la première Guinness. Il faut bien admettre que les filles, surtout entre elles, peuvent être des êtres particulièrement détestables. Même si elles s’aiment très fort.


Elle : C’est quoi ta taille ?
Vous : En haut ? 38 ou 40, ça dépend des marques.
Elle : On pourrait essayer des costumes sur toi ? Ce serait mieux que sur le mannequin.
Vous : Pas de problème.

Déshabillage. Habillage. Zip.

Elle : Ah, super. C’est parfait. Tout à fait ça. UN BON 42 !
Vous : ….
Elle : Ah oui oui, c’est bien ça. DOUZE CENTIMETRES DE PLUS QU’UN 38!

Voilà ce qui se passe quand on se propose d’aider une (jolie) amie costumière – on s’expose à de délicates réflexions sur sa taille de vêtements (qui n’a jamais été supérieure à 40, que justice soit rétablie. Même si un réalisateur respectable se doit d’être bedonnant. Et oui, vous aussi vous pouvez être mesquine).

Les histoires de taille, cela vous fait penser à vos amies actrices. Quand elles ne sont pas occupées à suivre un régime sans gluten, sans sucre et sans protéines de lait (les trois en même temps, oui oui - que vive le brocoli), elles répondent à des offres de casting.
Il se trouve que l’une d’elles a récemment profité d’un après-midi où vous étiez chez elle pour s’isoler un peu afin de répondre à des offres. Depuis une autre pièce. En faisant semblant de réfléchir à voix haute. A voix TRES haute.

« TIENS, UNE OFFRE POUR JOUER UNE PIN-UP DANS UNE PUBLICITE ! JE VAIS POSTULER PARCE QUE J’AI UN CORPS DE PIN-UP ! »

(frimeuse)

« OH LA LA, ON ME DEMANDE MES MENSURATIONS ! ZUT ALORS, JE NE M’EN RAPPELLE PLUS ! JE VAIS CHERCHER ! »

(si tu crois que je vais commenter ça, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule)

« AH, LES VOILA, HIHI ! ALORS… MES MENSURATIONS SONT 90 / 64 / 94 ! »

Bien. Et surtout, la prochaine fois, pense à prendre un porte-voix – l’hémisphère Nord n’a pas encore compris à quel point tu étais bonne.


Les actrices, les assistantes de production… ces demoiselles ont déjà eu l’honneur extraordinaire de figurer dans certains articles de ce blog. Mais les photographes, pas encore – les photographes femelles, en l’occurrence.
Comme cette amie, par exemple, à qui vous aviez demandé de vous aider, parce que vous n’arriviez pas à faire grand-chose de votre nouvel appareil photo (un reflex bas de gamme – mauvaise idée). Elle s’est empressée de vous l’arracher des mains en vous expliquant que « il n’y a pas de mauvaises photos, il n’y a que de mauvais photographes »… avant de le reposer discrètement sous la table basse au bout d’un quart d’heure, bien sûr.
C’est vrai qu’il est rassurant, pour une fille, de critiquer les autres – cela permet de se valoriser, physiquement ou en tant qu’artiste.
« Tes photos de Nouvelle-Zélande auraient pu être sympas si tu avais pris le temps de les retoucher ! »
« On va te prendre en photo pour te faire un book. Par contre, enlève-moi ce maquillage de collégienne. »

Hmmmm.

L’avantage, c’est que les actrices, aussi étranges, folles ou imbues d’elles-mêmes qu’elles puissent être, seront en revanche toujours gentilles avec vous. Forcément.
Ce n’est pas très pratique, c’est sûr, quand vous leur demandez leur avis sur votre dernier scénario, que vous peaufinez depuis des jours ; couverte de sueur, le bout des doigts brûlés par les appuis répétés sur les touches du clavier, vous soufflez pour écarter les mèches de cheveux qui vous tombent dans les yeux et, encore prise d’une sorte de frénésie, vous vous empressez d’envoyer la bête à vos interprètes préférées, en quête d’un avis objectif et de critiques constructives.
Réponses immuables : c’est génial, c’est fantastique, c’est trop drôle, c’est excellent. EH BIEN CA FAIT VACHEMENT AVANCER LE SCHMILBLICK.


Tiens, votre collègue vient de se manifester, râlant ainsi pour la quarante-huitième fois de la journée.
«Putain mais comment je fais pour rester avenante alors que j’ai envie d’insulter les gens?»
«Je vous préviens, après dix-sept heures je ne réponds plus au téléphone.»


Les filles, c’est chouette.


(il va sans dire que vos amies risquent fort de ne pas apprécier ce billet. Mais vous trouviez cela tellement drôle... vous n’aviez même pas de viles intentions! Sans compter que vous ne citez pas de noms. Mais prions quand même tous ensemble qu’elles ne tombent jamais dessus - leur vengeance serait terrible.)

mardi 26 mars 2013

Une personne cultivée.

Il n’y a rien de plus horrible que de finir un bon livre.
En soi, lire un bon livre est une expérience solitaire qui vous déprime autant qu’elle vous enchante : vous n’avez en effet qu’une envie (hormis le déchirant besoin de lire, lire, lire et lire jusqu’à plus soif), c’est d’en parler. Vous aimeriez débattre pendant des heures des issues possibles pour les personnages, de vos scènes préférées ; vous voudriez exprimer votre enthousiasme à voix haute, prendre vos amis par le col de leur chemise et les secouer en essayant de les convaincre qu’il faut absolument qu’ils lisent le pavé que vous êtes en train d’engloutir avec avidité.
Bien entendu, personne ne lit jamais le même livre que vous - les probabilités seront d’autant plus minces s’il s’agit d’une brique de mille pages à vingt-cinq euros. Et, si le livre en question doit être lu un jour par quelqu’un de votre entourage, ce ne sera certainement pas en même temps. Bref, vous êtes seule. Vous vivez quelque chose de fantastique, mais qui ne se partage pas.
Lire un roman génial, c’est comme partir à l’autre bout du monde en solitaire, comme s’enfiler une boite de chocolats devant un bon film quand personne n’est à la maison, comme recevoir une lettre d’amour. C’est beau parce que ça n’appartient qu’à vous, mais c’est un peu triste car ça n’a pas vocation à être partagé ; en tous cas, pas sur le moment. Ceci dit, la sensation ne serait sans doute pas la même non plus si, justement, l’instant était vécu à deux ; le délicieux petit plaisir coupable qui vous prend dans ces moments là ne saurait être échangé contre tout l’or du monde. Un peu d’égoïsme, ça fait parfois du bien.

Toujours est-il que, non contente d’être triste du fait que vous mourrez d’envie de partager votre lecture et le milliard d’impressions qui vont avec, vous êtes désormais inconsolable car ça y est – vous avez terminé le bon livre en question.
C’est affreux. Vous auriez pu continuer pendant encore des semaines ; c’est, du moins, l’impression que vous aviez. Les personnages, l’ambiance, tout va terriblement vous manquer. Vous vous sentez seule, pour ne pas dire abandonnée, et vous savez que vous aller passer la soirée à faire des recherches sur internet, vérifiant la véracité des faits, traquant la moindre piste d’adaptation cinématographique, engloutissant les critiques.

Tout cela est probablement pathétique, mais vous assumez. Vous aimez les livres au moins autant que le cinéma ; une bonne histoire, quand elle est bien racontée, est la chose la plus merveilleuse du monde – peu importe le média.
(Chose amusante, si vous repensez à tout ce que vous avez vu et lu depuis le premier janvier de l’an de grâce deux mille treize, un seul film sort du lot… contre au moins trois livres.) *

Voilà pourquoi vous avez été absolument horrifiée quand, lors de votre dernière mission en temps qu’hôtesse d’accueil, l’une de vos collègues a déboulé en clamant fièrement qu’elle n’avait jamais lu un livre. JAMAIS. LU. UN. LIVRE.


HALL D’ACCUEIL – INT/JOUR

Kimberly (appelons-la ainsi) déboule dans le hall ; elle remplace l’hôtesse du bâtiment voisin et rejoint ses collègues pour déjeuner. Non contente de pas porter le tailleur noir réglementaire, elle est vêtue d’un pantalon léopard pour le moins vulgaire, et évoque terriblement aux autres un personnage de la série « Jersey Shore »… si tant est que l’on peut appeler cette chose une série, cela va sans dire.

KIMBERLY
Salut les filles !
(ellipse – gnagnagna, dialogue inutile)
Vous devinerez jamais – je me suis acheté un livre ! Haha ouais ! Vous imaginez, j’ai jamais lu un livre, jamais, et là c’est le premier que j’achète de ma vie. Moi !

(oui, alors, comment vous dire, mademoiselle… il n’y a pas vraiment de quoi se vanter, en fait.)


KIMBERLY
Chuis trop déçue, parce que j’ai acheté « 50 nuances de Grey », on m’avait dit que c’était que du cul – et en fait que dalle ! C’est pas du cul, c’est des pauvres phrases pour les ménagères en manque… L’arnaque, quoi.
En plus, attendez – l’héroïne a vingt-deux ans et elle n’a JAMAIS FAIT L’AMOUR ! Elle est vierge, putain, haha, non mais vous imaginez, vierge à vint-deux ans, la honte ! Ca aurait du être fait depuis longtemps, pauvre fille quoi !

FIN DE LA SCENE – SUICIDE DES PERSONNAGES PRINCIPAUX, CONSTERNÉS.


Voilà. Ce billet est plus ou moins hors-sujet, mais il vous fallait faire part de votre abominable découverte – ce genre d’individus EXISTE !
Cela vous motive légèrement à persévérer pour sortir de là.



* Les oeuvres en question étant:
- Cloud Atlas, d’Andy & Lana Wachowski et Tom Tykwer
- « Comment je suis devenu un écrivain célèbre », de Steve Hely
- « Terreur », de Dan Simmons
- « 22/11/63 », de Stephen King

jeudi 21 mars 2013

Le coup de fil maudit et autres histoires.

Six mois que vous repoussez un coup de fil. Six mois. Mais vous ne le sentiez PAS DU TOUT !

Pour votre mère, encore un merveilleux contact censé vous apporter la gloire et la fortune – ou, du moins, un emploi dans le délicieux milieu du cinéma.
Pour vous, une épine dans le pied (vous cherchez encore une traduction vulgaire à souhait de l’expression « a pain in the ass »), le plan foireux numéro quatre cent quatre-vingt trois, l’appel passé à contrecœur et qui va ajouter une ligne sur la déjà longue liste de vos obscures activités.
Parce que vous commencez à bien le connaître, ce coquin de sort : là où certaines personnes ont un piston unique qui change leur vie, vous cumulez les fausses pistes et les siphonnés du bulbe. Oh, il y en a, des gens sympas. Mais les gens sympas ET qui vous aideront à pénétrer ce milieu aussi étroit et fermé que l’utérus d’une vieille catholique atteinte de vaginisme, vous n’y croyez plus. Même avec un bon litre de Poppers.
Pour cette année, vous êtes déjà professeur de cinéma (bénévole), et directrice de mémoire (des péripéties qui auront droit à leur article, cela va sans dire). Autant avouer que vous avez atteint votre quota de grand n’importe quoi, et que vous ne souhaitiez pas passer le fameux coup de fil (bon, d’accord, c’est assez calme pour cette année ; on ne vous a pas demandé de faire la captation d’un spectacle son et lumière en plein air pour trois mille personnes, certes).

Accessoirement, vous détestez l’idée d’appeler de parfaits inconnus pour quémander.

Le hic, c’est que forcément, au bout de six mois, votre mère s’impatiente. Le fameux contact, l’ami d’un ami (la bonne blague), attend semble-t-il que vous l’appeliez.
Vous avez pris votre courage à deux mains il y a cinq jours. Inspiration, expiration, inspiration, allez, hop, allô. Une sonnerie. Deux sonneries. Vous commencez à prier pour tomber sur un répondeur.
« Allô ? Ouais, je peux pas vous parler là, je suis en tournage. Rappelez lundi ou mardi ».

Cinq jours plus tard (mercredi, donc, parce que vous avez, bien entendu, repoussé l’échéance au maximum)… Une sonnerie. Deux sonneries. Un répondeur, par pitié…
« Allô ? Ouais, vous m’avez déjà appelé vendredi… Mais je suis en ligne là, vous pouvez rappeler dans dix minutes ? »
Hey ! Vous avez une super idée à proposer – un concept novateur et d’une modernité résolument renversante : SI TU NE PEUX PAS PARLER, NE REPONDS PAS A TON PUTAIN DE TELEPHONE. Merci.

Dix minutes plus tard, le type finit par vous rappeler ; cela vous évite au moins l’humiliation d’un troisième appel avec présentation maladroite à la clé. C’est, du moins, ce que vous pensez sur le moment ; ce coup de fil va, en effet, s’avérer être un sérieux concurrent à la Palme d’Or de la conversation catastrophique.
Votre interlocuteur ne sait pas quoi vous dire, ne sait pas quoi faire pour vous, n’assimile pas qui vous êtes et ce que vous faites (« Non, je ne suis PLUS étudiante » devra être répété pas moins de trois fois) et surtout, surtout, marque des silences ahurissants pendant lesquels il finit lui-même par dire « Allô ? », pensant que la communication a été coupée.
Vous, essayant de détendre l’atmosphère, décidez de la jouer super cool ; or, vos pathétiques tentatives d’humour et de rires intelligents ne ressortent que sous la forme de gloussements gênés et ridicules. Vous vouliez passer pour une femme raffinée faisant de l’esprit avec un porte-cigarette entre les doigts, dans un film en noir et blanc, et vous êtes pratiquement sûre que vous apparaissez plutôt comme Bridget Jones dans un de ses mauvais jours. Vous imaginez votre interlocuteur roulant des yeux, pensant avoir affaire à une crétine qui ne travaille sans doute pas du fait de son léger retard mental.
Sérieusement, que voulez-vous dire lorsque la personne que l’on vous force à contacter et qui « attend votre appel » se borne à vous répéter « je n’ai pas de travail pour vous, qu’est-ce que vous attendez de moi ? ».

Le type – pas méchant, au demeurant, simplement à côté de la plaque – note finalement votre numéro, et vous promet de vous rappeler pour une éventuelle rencontre.
C’est cela, oui.
Et demain, il va pleuvoir des licornes qui chient des burritos.


Pitié. Est-ce trop demander que d’avoir affaire à une personne normale, pour un entretien normal, pour un travail un tant soit peu intéressant ? Combien de rencontres ahurissantes vous faudra-t-il endurer pour pouvoir enfin avoir la chance de trouver un poste dans votre domaine ?
Vous rêvez d’une rencontre où l’on ne vous regardera pas comme la dernière des demeurées parce qu’à vingt-neuf ans, vous n’avez jamais eu le statut intermittent. Où l’on ne vous prendra pas de haut parce qu’à votre âge, et malgré vos prétentions, vous n’avez jamais travaillé sur un long-métrage. Une rencontre où l’on ne vous insultera pas quand vous dites que vous n’avez pas le permis de conduire.

Ah, oui, digression – le fameux papier rose.
Chaque entretien est une humiliation, et le permis de conduire en est parfois l’étourdissante apothéose. A presque trente ans, ne pas avoir le permis de conduire, si vous en croyez les réactions diverses et variées auxquelles vous avez droit, c’est pire que d’être vierge, ou illettrée ; c’est encore pire que si vous n’aviez pas le bac. Si vous n’avez pas le permis, vous êtes assurément une handicapée moteur (sans mauvais jeu de mot), une attardée mentale, un légume bavant et incapable de mener une vie autonome.
Vous savez aligner deux mots, vous avez le bac, vous pouvez vivre seule et votre vie sexuelle va très bien, merci. De quel droit un parfait inconnu vous juge-t-il ? Vous n’avez pas à lui exposer votre situation financière ou vos choix de vie. Vous n’avez pas à vous justifier… ce que vous terminez immanquablement par faire, en baragouinant de pitoyables excuses derrière votre café.
Eh bien vous êtes navrée, mais étant donné les difficultés que vous avez à mettre de l’argent de côté, il vous est difficile, quand vous avez sauvé deux mille euros, de les utiliser dans le seul but de passer trois heures dans les encombrements parisiens, afin d’aller chercher un acteur en bas de chez lui pour l’emmener en tournage du côté de Melun, Meaux ou Dieu sait quelle ville dortoir de la grande banlieue n’ayant aucune raison d’exister, si ce n’est de faire damner toute personne désireuse de se rendre sur un tournage. Etrangement, vous préférez acheter un billet d’avion avec, quitte à vous faire insulter par un intermittent arrogant qui a décidé que vous aviez une tête de conne juste parce que vous étiez polie.

(Rhaaaaa. Ca fait du bien.)

La vérité, c’est que vous n’y croyez plus vraiment. Vous ne travaillerez jamais dans une boîte de production sympathique. Vous ne serez jamais deuxième ou troisième assistante réalisateur, en charge des figurants. Votre seul espoir, c’est de réussir à vous frayer un chemin dans le clip ou le court-métrage, et de réaliser un film institutionnel de temps à autres. Mais pour l’instant, ce dont vous avez l’impression, c’est que vous êtes tout autant cinéaste que la caissière du Monoprix ou la serveuse du McDo.


(Pardon, ô lecteur, pour cette longue complainte cinématographique même pas drôle. Cet article n’était pas prévu, mais votre journée a été particulièrement longue et riche en mauvaises nouvelles. Le prochain billet sera plus fun, c’est promis !)

vendredi 15 mars 2013

Pop!ular

Quand vous avez commencé ce blog, vous ne saviez pas vraiment à quoi vous attendre. Vous mourriez d’envie de raconter vos aventures, mais vous n’aviez pas la plus petite idée de ce qui pourrait se passer.
Certes, vous n’espériez pas vraiment connaître le succès d’Anna Sam ; vous saviez que vous ne vous feriez pas publier, et que vos écrits ne seraient pas adaptés en six saisons à la télévision, puis un long-métrage – vous ne saviez même pas si vos considérations, vos plaintes et vos fantasmes intéresseraient quelqu’un. Il fallait juste que ça sorte, voilà!

Et puis les gens ont lu. Il y a eu des compliments, il y a eu des critiques, mais savoir que l’on est lu procure tout de même une joie fantastique (oui, c’est la minute premier degré). C’est exactement comme lorsque l’on fait un court-métrage ou un clip et que, en plus de voir les vues augmenter, on reçoit des commentaires de parfaits inconnus ayant pris quelques minutes de leur temps pour vous faire part de leurs impressions. C’est génial. C’est youpi. Ça donne envie de continuer… et il en faut, des raisons de continuer !

Tout cela pour dire que, même si ce modeste blog est loin d’atteindre les cent-mille vues chaque mois (ben oui – il en fait un million. Ha, ha, ha), il vous a permis de faire des rencontres. De très, très belles rencontres, et vous ne parlez pas là d’un speed-dating douteux autour d’un plateau de brochettes bœuf-fromage sur une reprise de « My heart will go on » en chinois (le lecteur assidu se rappellera que vous êtes accessoirement loin d’être célibataire, et que vous avez le plaisir d’avoir un petit-ami pour qui le piston fonctionne, tssss).
Ce message niais et dégoulinant de bonheur amical a donc pour unique fonction d’honorer ces délicieuses rencontres ; merci, ô amis lecteurs et désormais parfois amis tout court, de me soutenir, de croire en moi ou simplement de m’écouter râler. Vous me confortez dans l’idée que ce blog n’était pas une si mauvaise chose !

Pour finir, voici une photo de votre petite joie de la semaine : un beau dessin fait rien que pour vous, huhuhu (oui, parfois vous êtes une fille, et vous gloussez), par le très cher Amiral (http://amiraldessin.com/). Elle est pas belle, la vie ?