mardi 13 avril 2010

Je ne bois que du lait de soja (surtout le dimanche soir à la campagne)

En bon cinéphile, vous vous êtes lancé, depuis longtemps déjà, dans le court-métrage, muni de votre fidèle caméra (ou de la fidèle caméra de vos parents, cela va sans dire. Vous savez, celle qui avait une chance sur deux d’être plus grosse que votre tête).
(Quoi ? Vous ne comprenez pas ? Suis-je si vieille ? Moi, quand j’étais au lycée, les caméras familiales ressemblaient à des bazookas, et on mettait des cassettes géantes dedans… Oui, des cassettes, avec des bandes !)
(Bref. Retournez à votre téléphone portable, bande de sales petits jeunes).

Ah, la grande époque des films amateurs ! Vous faites tourner vos amis – ils jouent comme des manches mais sont, comme vous, sur-motivés ! Les tournages sont synonymes de plaisir, de grand n’importe quoi entre copains, et vous prenez votre pied en réalisant d’incroyables travellings sur des chaises à roulettes.

Sauf que… arrivé en école de cinéma, on vous demande de réaliser des courts-métrages. Des vrais. Avec du vrai matériel. Avec un vrai travelling, avec des rails ! Ô extase, ô joie, ô bonheur, c’est Shangri-La : vous allez passer pro, vous allez faire ça proprement, et vous pourrez les présenter partout, et gagner plein de prix, et être repérés et avoir un rendez-vous à la Twentieth Century Fox et…
Et merde. Un vrai court-métrage. Avec de VRAIS ACTEURS.

Sur le coup, cette mission vous paraît insurmontable. Trouver de vrais acteurs, sans budget. Ha, ha, ha !
En fait, vous réalisez vite que c’est assez facile. Paris est rempli de gens qui, comme vous, ont eu l’idée insensée de vouloir poursuivre leur rêve, et courir après un Oscar. OK, disons un Golden Globe. Un César. Ou, à défaut, au moins un second rôle dans un film étudiant.
Vous vous demandez même si la capitale n’est pas remplie à plus de 50% d’aspirants comédiens. Dire que vous vous plaigniez d’avoir de la concurrence, vous qui êtes dans la technique ! C’est simple, non seulement vous trouvez de quoi organiser un casting d’enfer, mais en plus, votre moralomètre est monté en flèche.
NB : bien entendu, ceci vaut pour les films dont les principaux rôles sont censés avoir entre vingt et trente ans. Après, trouver des acteurs devient un peu plus difficile. Et si vous cherchez des gentils papys, j’espère que vous êtes motivés.

Toujours est-il qu’après avoir travaillé sur de nombreux court-métrages, une conclusion s’impose : les acteurs sont des gens très, très étranges. Une conviction qui ne fera que se renforcer quand vous travaillerez sur des projets professionnels, télévisuels ou cinématographiques.
Oh, bien sûr, il y a des exceptions confirmant la règle ; j’ai eu l’occasion de travailler avec quelques personnes merveilleuses, humbles et très, très douées, que je me ferai une joie de propulser au firmament si j’en ai un jour les moyens, parce qu’ils le méritent.
Mais, grosso modo, connaître le monde des acteurs, c’est aussi se dire que bof, finalement, sortir avec Robert Downey Jr, Leonardo DiCaprio, Scarlett Johansson ou qui sais-je encore, ça doit être bizarre et franchement insupportable (ce sera donc purement sexuel, alors).

Ecartons d’emblée le petit pourcentage d’acteurs méritants, honnêtes et talentueux. Le reste se compose de personnages pour le moins… intéressants. Oh, pas forcément méchants, ils peuvent même être adorables – cependant, vous n’aviez jamais connu des comportements aussi exacerbés.
Exacerbés, c’est en effet le mot qui définit le mieux le comédien. Amplification des caractères, des sentiments, de l’ego, c’est un vrai festival. Vous vous sentez tellement merveilleusement normal, vous qui passez en général pour l’excentrique de service !

Bien entendu, la plupart des acteurs ont un ego surdimensionné. C’est assez fantastique à observer, surtout quand l’acteur en question pointe au chômage et n’a jamais tourné dans un projet financé. Cette affirmation ne se veut même pas méchante ; c’est un fait, et l’un va rarement sans l’autre : un acteur est souvent un être trèèèèès imbu de lui-même.
Forcément, cette constatation va de pair avec le fait que vous n’avez pas souvenir d’avoir casté des gens « n’ayant pas un physique facile »…

Ainsi, un modeste tournage étudiant peut rapidement tourner au carnage, que dis-je, à l’apocalypse ! Comment prévoir que cette belle actrice, adorable au casting, se métamorphoserait en peste aux insatiables caprices de star une fois sur le plateau ? Et dire que vous n’êtes même pas en 35mm…
Vingt-deux heures, dimanche soir, le trou du cul de la France (l’action se passe à la campagne, eh oui, ça arrive). Vos régisseurs sont deux locaux sympathiques – ils sentent un peu la marijuana mais vous ne doutez pas de leur capacités à faire cuire des pâtes.
Que faire quand la Star exige, à ce moment précis, une bouteille de lait de soja ? Pour être honnête, vous ne saviez même pas qu’une telle chose existait. Mon Dieu, et dire que si l’on était à Hollywood, ce serait même précisé dans son contrat. Vous savez, comme pour ces gens qui demandent un frigo rempli de Coca Light pour leurs chihuahuas partout là où ils vont, ou qui exigent précisément 53 lys blancs dans leur caravane. En attendant, là, vous essayez de rester poli, d’être conciliant, et de ne pas fracasser le joli crâne tout doux de votre délicieuse actrice sur le lavabo de la cuisine des gens qui vous hébergent gentiment.

La suite au prochain épisode, vos yeux doivent piquer.



(En même temps, qui en a quelque chose à faire, de la personnalité d’un mec comme Jude Law, hein ?... Bande de petits cochons, ne niez pas).

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