samedi 19 mai 2012

La vie d'artiste.

Comme nous l’avons déjà vu*, le fait d’être considéré comme un cinéaste prometteur par son entourage peut parfois s’avérer problématique.

Votre famille et vos amis ayant une foi indéfectible en vous, ils se font en effet un plaisir de donner votre nom chaque fois que quelqu’un mentionne une activité ayant un tant soit peu un rapport avec l’audiovisuel.
Vous n’osez pas critiquer : ils pensent aider. Aussi, au lieu de faire voler des tables en leur hurlant de ne jamais donner votre numéro de téléphone sans vous avoir consultée, nom de Zeus de putain de bordel de merde, vous souriez bêtement en baragouinant les remerciements de circonstance.

Vous voulez être réalisateur, oui. Vous voulez écrire, oui. Pour autant, cela veut-il dire que vous êtes équipée au niveau image, montage et même son, ou que vous maîtrisez tous les aspects des différents métiers du spectacle, de la lumière au mixage, en passant par l’installation d’une scène en plein air ? NON.

Voilà comment vous avez par exemple passé des après-midis entiers à maudire la moitié de l’hémisphère Nord en vous prenant la tête sur des devis pour des films institutionnels que vous saviez irréalisables. Parce que hé, untel a un contact qui aimerait bien mettre une vidéo de présentation de sa société sur son site internet, alors vous pourriez le faire pour pas cher, vous, la fille dont la caméra mini-DV a rendu l’âme il y a des années et qui ne possède même pas un ordinateur digne de ce nom pour faire du montage…

Voilà comment vous avez été propulsée réalisatrice de la captation d’un spectacle son et lumière géant en plein air l’été dernier, sans même avoir pu donner votre avis ou même votre accord, ce qui n’est finalement pas important puisque hé, untel organise un concert géant et ce serait super si vous pouviez le faire pour pas cher avec votre matériel, ça vous ferait une expérience d’enfer et pourquoi est-ce qu’on douterait de vous puisque vous êtes la meilleure des a) amies, b) petites-filles, c) membre de la famille à différent degré (à cocher selon les cas de figure).

STOP !

Vous voulez bien écrire des scenarii, des romans, des articles, des chroniques, des lettres de motivation, des fiches de lecture, des lettres d’amour, des dissertations, des notes d’intentions, des bandes démos, des discours de remerciement, des spectacles de stand-up, des vœux de mariage, des lettres d’insulte, n’importe quoi, peu importe, vous pouvez. Parce que c’est ce que vous savez faire, et que vous en avez les moyens.
Vous voulez bien réaliser ou simplement mettre en scène des courts métrages, des longs métrages, des publicités, des films institutionnels, des captations en tous genres, des spectacles, des comédies musicales, des spectacles de fin d’année, des mariages, des enterrements, des dépucelages même, n’importe quoi, tant qu’on vous en donne les moyens. Et avec plaisir, en plus.

Vous ne savez pas, en revanche, éclairer un spectacle pour trois mille personnes, faire la prise d’un son d’un concert ou plus simplement tourner un film sans caméra. Et même si vous avez essayé mille fois de le faire comprendre à votre grand-père, grand-mère, oncle, tante, cousine, coiffeuse, boucher, ami, amie, amis, il n’y a rien à faire – vous serez toujours la fille vers qui on se tournera. Parce que vous êtes trop gentille, trop stupide, trop fauchée, trop au chômage, et que chacun de ces adjectifs conviendra forcément à quelqu’un qui sera fier de pouvoir dire qu’il connaît LA personne idéale pour gérer l’évènement de l’année : VOUS.

Voilà pourquoi votre week-end est gâché par l’épée de Damoclès numéro quatre cent cinquante deux qui pend au dessus de votre tête : vous êtes censée appeler, non, on insiste pour que vous appeliez illico un intellectuel de gauche, professeur de philosophie de son état, qui désire réaliser « Entre les murs 2 » avec ses élèves. A trois cent kilomètres de là. Avec votre aide, bien entendu.
Alors oui, vous êtes ouverte d’esprit, et vous voulez bien aider ; mais il faut bien avouer qu’en général, les lecteurs de Télérama vénérant François Bégaudeau sont assez sectaires – vous vous voyez mal parler des bienfaits de « Shaun of the Dead » autour d’une bière. Vous avez carrément peur, en fait.

AU SECOURS !



* Voir l’article « Et ils vécurent heureux, et eurent beaucoup de DVD »
(http://jeveuxfaireducinema.blogspot.fr/2010/05/et-ils-vecurent-heureux-et-eurent.html)


3 commentaires:

  1. Haaaaan, vous critiquez Télérama et les intellectuels(de gauche)! vous allez avoir des problèèèmes!

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    1. Oh, foutu pour foutu...
      (Le pire c'est que ça s'est hyper bien passé, en fait. Pour l'instant, en tous cas - il ne sait pas encore que j'aime les films américains :p )

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    2. Bonsoir J, pourriez vous me contacter sur monsieurlechien at hotmail.fr, por favor? je sais qu'on vous l'a fait des milliards de fois mais j'ai un truc à vous proposer (oui, enfin ne rêvez pas, hein, je fais de la bédé, moi)

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