mardi 26 mars 2013

Une personne cultivée.

Il n’y a rien de plus horrible que de finir un bon livre.
En soi, lire un bon livre est une expérience solitaire qui vous déprime autant qu’elle vous enchante : vous n’avez en effet qu’une envie (hormis le déchirant besoin de lire, lire, lire et lire jusqu’à plus soif), c’est d’en parler. Vous aimeriez débattre pendant des heures des issues possibles pour les personnages, de vos scènes préférées ; vous voudriez exprimer votre enthousiasme à voix haute, prendre vos amis par le col de leur chemise et les secouer en essayant de les convaincre qu’il faut absolument qu’ils lisent le pavé que vous êtes en train d’engloutir avec avidité.
Bien entendu, personne ne lit jamais le même livre que vous - les probabilités seront d’autant plus minces s’il s’agit d’une brique de mille pages à vingt-cinq euros. Et, si le livre en question doit être lu un jour par quelqu’un de votre entourage, ce ne sera certainement pas en même temps. Bref, vous êtes seule. Vous vivez quelque chose de fantastique, mais qui ne se partage pas.
Lire un roman génial, c’est comme partir à l’autre bout du monde en solitaire, comme s’enfiler une boite de chocolats devant un bon film quand personne n’est à la maison, comme recevoir une lettre d’amour. C’est beau parce que ça n’appartient qu’à vous, mais c’est un peu triste car ça n’a pas vocation à être partagé ; en tous cas, pas sur le moment. Ceci dit, la sensation ne serait sans doute pas la même non plus si, justement, l’instant était vécu à deux ; le délicieux petit plaisir coupable qui vous prend dans ces moments là ne saurait être échangé contre tout l’or du monde. Un peu d’égoïsme, ça fait parfois du bien.

Toujours est-il que, non contente d’être triste du fait que vous mourrez d’envie de partager votre lecture et le milliard d’impressions qui vont avec, vous êtes désormais inconsolable car ça y est – vous avez terminé le bon livre en question.
C’est affreux. Vous auriez pu continuer pendant encore des semaines ; c’est, du moins, l’impression que vous aviez. Les personnages, l’ambiance, tout va terriblement vous manquer. Vous vous sentez seule, pour ne pas dire abandonnée, et vous savez que vous aller passer la soirée à faire des recherches sur internet, vérifiant la véracité des faits, traquant la moindre piste d’adaptation cinématographique, engloutissant les critiques.

Tout cela est probablement pathétique, mais vous assumez. Vous aimez les livres au moins autant que le cinéma ; une bonne histoire, quand elle est bien racontée, est la chose la plus merveilleuse du monde – peu importe le média.
(Chose amusante, si vous repensez à tout ce que vous avez vu et lu depuis le premier janvier de l’an de grâce deux mille treize, un seul film sort du lot… contre au moins trois livres.) *

Voilà pourquoi vous avez été absolument horrifiée quand, lors de votre dernière mission en temps qu’hôtesse d’accueil, l’une de vos collègues a déboulé en clamant fièrement qu’elle n’avait jamais lu un livre. JAMAIS. LU. UN. LIVRE.


HALL D’ACCUEIL – INT/JOUR

Kimberly (appelons-la ainsi) déboule dans le hall ; elle remplace l’hôtesse du bâtiment voisin et rejoint ses collègues pour déjeuner. Non contente de pas porter le tailleur noir réglementaire, elle est vêtue d’un pantalon léopard pour le moins vulgaire, et évoque terriblement aux autres un personnage de la série « Jersey Shore »… si tant est que l’on peut appeler cette chose une série, cela va sans dire.

KIMBERLY
Salut les filles !
(ellipse – gnagnagna, dialogue inutile)
Vous devinerez jamais – je me suis acheté un livre ! Haha ouais ! Vous imaginez, j’ai jamais lu un livre, jamais, et là c’est le premier que j’achète de ma vie. Moi !

(oui, alors, comment vous dire, mademoiselle… il n’y a pas vraiment de quoi se vanter, en fait.)


KIMBERLY
Chuis trop déçue, parce que j’ai acheté « 50 nuances de Grey », on m’avait dit que c’était que du cul – et en fait que dalle ! C’est pas du cul, c’est des pauvres phrases pour les ménagères en manque… L’arnaque, quoi.
En plus, attendez – l’héroïne a vingt-deux ans et elle n’a JAMAIS FAIT L’AMOUR ! Elle est vierge, putain, haha, non mais vous imaginez, vierge à vint-deux ans, la honte ! Ca aurait du être fait depuis longtemps, pauvre fille quoi !

FIN DE LA SCENE – SUICIDE DES PERSONNAGES PRINCIPAUX, CONSTERNÉS.


Voilà. Ce billet est plus ou moins hors-sujet, mais il vous fallait faire part de votre abominable découverte – ce genre d’individus EXISTE !
Cela vous motive légèrement à persévérer pour sortir de là.



* Les oeuvres en question étant:
- Cloud Atlas, d’Andy & Lana Wachowski et Tom Tykwer
- « Comment je suis devenu un écrivain célèbre », de Steve Hely
- « Terreur », de Dan Simmons
- « 22/11/63 », de Stephen King

8 commentaires:

  1. c'est le meilleur film de ce déb-- de cette année, mais y en a eu pleins d'autres très bons, t'es fou de folie @_@

    et c'est quoi cette brique de lait littéraire géniale ?

    - Leto

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Brique géniale: le dernier Stephen King (ça m'énerve parce que c'est cliché, mais bon... Ce type sait raconter une histoire comme personne).

      Et il y a peut-être eu d'autres bons films, mais alors je les ai ratés, haha - sérieusement, j'avoue avoir un peu perdu le rythme, je n'ai pas trop eu le temps d'aller au cinéma depuis deux mois. Et Cloud Atlas est sincèrement le seul film qui m'aie vraiment touchée récemment (oui, honte à moi, je prends en compte la date de sortie française)... Ceci dit, j'attends donc de savoir quels grands films j'ai manqué! (et j'en suis pas fière!)

      Supprimer
    2. Bah en même temps, pour qu'un auteur dure tant d'années que Stephen King, c'est qu'il a du talent (ou un réseau médiatique de pholie, c'est selon).

      En ce début d'année, y avait Django unchained, Zero Dark Thirty, Cloud atlas et bien évidemment la ressortie que tu n'as pas intérêt à avoir raté (é_é) Jurassic Park.

      Je dois être petit joueur mais quatre films exceptionnels en cinq mois (bon OK, JP compte pas), plus toutes les promesses qui s'amoncèlent et qui s'annoncent gigantesques (The world's end, Pacific rim, Gravity, The hobbit II, la version restaurée de Mon voisin Totoro...), c'est une belle année au cinéma je trouve !

      - Leto

      Supprimer
    3. J'avais oublié Django, c'est vrai, tu n'es pas le seul à me l'avoir dit! (mais j'étais encore sur mon petit nuage après Cloud Atlas... gnnnn)... Par contre, j'avoue avoir raté Zero Dark Thirty, ce qui m'a grandement fait chier.
      Plein de bons films à venir, c'est sûr, et les noms que tu cites me font baver sur place - mais au moment où j'ai écrit l'article, y avait pas encore eu trop de trucs... Et bien sûr que je suis allée voir Jurassic Park - le contraire eut été impensable ;)
      (remarque d'autiste, d'ailleurs: j'étais toute folle parce que je n'avais jamais vu le figurant chauffeur de taxi qui engueule Dodgson lors de sa rencontre avec Nedry, au début. Voilà. Je sais, ça fait avancer le monde!)

      Supprimer
  2. Je me reconnais tellement dans ce billet : c'est le drame de ma vie. Et c'est ce qui m'a poussée à créer un blog.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Aaaah, mais c'est le chouette blog que j'ai découvert tout à l'heure :)
      Merci!

      Supprimer
  3. Avec Cloud Atlas, l'autre immanquable de l'année était pour moi Django unchained.
    Terreur c'est vrai que c'était bien, et très envie de lire le dernier Stephen King aussi.
    L'autre livre je connais pas mais je vais regarder ça de plus près.

    Matthieu.

    RépondreSupprimer
  4. C'est une belle performance d'éviter les livres, surtout en étant scolarisé - mais l'a-t-elle été ?
    Il fallait lui recommander "American Psycho", y a du cul, des sapes et des meurtres. Pas mensonger quoi !

    RépondreSupprimer