lundi 5 mars 2012

Chroniques de la Terre du Milieu - Hairy Feet (1)


6 décembre 2011, bien trop tôt le matin…


Vous sortez de votre motel sous une pluie fine et allez attendre sur le trottoir. Vous ressemblez à une touriste, ce qui vous déplaît fortement – chaussures de marche, appareil photo en bandoulière et, abomination suprême, k-way. De la fumée s’échappe d’une bouche d’égout et parfume toute la rue d’une bonne odeur d’œuf pourri ; c’est le quai de la station Châtelet-Les-Halles puissance mille. Cet endroit pue, c’est une abomination.
Mais qu’est-ce que vous foutez là ?

Flashback numéro un.
Un mois auparavant, vous avez arpenté le Net dans ses moindres recoins pour être sûre de ne pas rater Hobbitebourg / Hobbiton, le village des Hobbits, lors de votre voyage en Nouvelle-Zélande. Aucun risque : l’endroit est plus que célèbre et possède un site internet très détaillé. Vous y avez donc appris que le seul moyen d’aller vénérer les lieux est de prendre part à une visite guidée – moyennant quelques dizaines de dollars, cela va sans dire. Boarf – quitte à payer un billet d’avion et à subir vingt-quatre heures de vol, autant ne pas rater ça : c’est une formalité !

Vous avez un peu faim mais il est hors de question d’avaler quoi que ce soit tant que vous marinerez dans cette odeur. Vous surveillez l’heure sur votre téléphone portable : votre rendez-vous ne devrait plus tarder.

Flashback numéro deux.
Une semaine auparavant, vous avez écrit aux responsables du site pour les avertir de votre visite prochaine, et vérifier ainsi qu’il n’y aurait aucun problème. La réponse fut rapide, fort sympathique, et plutôt rassurante. Oui, le site serait ouvert lors de votre passage dans la région. Oui, vous pouviez venir sans réserver. Et tenez, nous vous envoyons même les horaires de départ de toutes les visites.

Vous commencez à stresser, parce que l’horaire de votre rendez-vous a été dépassé d’environ deux minutes et que si vous échouez sur ce coup là, vous n’aurez pas d’autre chance avant un bon bout de temps. Vous n’êtes même pas sûre de ce que vous attendez, mais vous guettez désespérément le coin de la rue.
Grrrrrrrooooou, fait votre ventre.

Flashback numéro trois.
Première semaine de votre périple néo-zélandais, quatrième jour d’aventure… soit la veille de votre interminable attente sur le trottoir. Vous vous rendez de Coromandel à Rotorua – en français dans le texte, vous descendez vers le Sud après avoir atterri à Auckland. Votre fenêtre pour visiter Hobbitebourg se situe donc ici, entre deux étapes. Il se trouve que, par miracle, la ville des semi-hommes est en plein milieu de votre parcours (merci, dieu du cinéma ! Merci, dieu des voyageurs !). Elle répond au doux nom de Matamata…
Bien entendu, votre GPS a décidé de mourir juste à la sortie d’Auckland, et vous devez donc trouver tout cela par vous-même. Mais c’est toujours un plaisir que de s’arrêter dans une station-service ressemblant en tous points à un décor de film américain, et de demander au pompiste s’il n’aurait pas, par hasard, entendu parler des Hobbits (vous ne voulez pas avoir l’air trop bête, aussi commencez-vous systématiquement vos phrases par « I have a silly question… »).

On vous envoie au « Visitor Centre », au centre-ville ; pas spécialement difficile à trouver, étant donné la taille de la bourgade.
Vous voici donc devant l’office de tourisme en question. On peut difficilement le rater, puisqu’une grosse sculpture herbue représentant un trou de Hobbit est implantée sur le trottoir. En face, sur le terre-plein central, au centre de l’avenue, un gros panneau proclame « Welcome to Hobbiton », un Gollum en pierre à ses côtés. Pas de doute, vous êtes arrivée. Enfin, presque…
Vous entrez dans le « Visitor Centre » et vous dirigez vers le comptoir (oui, oui, nous sommes toujours dans le flashback numéro trois), afin de faire part à l’autochtone en fonction de votre désir d’embarquer pour la dernière visite de la journée, à dix-sept heures et des poussières. BAM ! Raté. Selon la demoiselle à l’accent improbable qui vous fait face, cette dernière visite n’existe pas. Du moins, pas encore – cet horaire ne s’appliquera qu’à partir de Noël. Bien entendu, vous avez raté la dernière visite, la vraie, partie une petite heure plus tôt.
Un courant glacé s’insinue dans vos entrailles… Vous n’allez quand même pas rater CA ? Eh bien non ! L’ami néo-zélandais a tout prévu. Des navettes sillonnent la région et peuvent passer prendre les joyeux touristes à leur hôtel, dans les grandes villes environnantes. En l’occurrence, on pourra venir vous chercher le lendemain matin, à la première heure, à Rotorua, et vous pourrez passer la matinée à folâtrer dans les vertes collines. C’est plus cher, et vous devrez écraser une demi-journée dans votre programme du lendemain. Mais la question se pose-t-elle ? Non.
Vous vous dirigez donc vers Rotorua, un peu déçue mais soulagée. En chemin, vous ne pouvez vous empêcher de vous demander où se cache, exactement, le village des Hobbits. Vous savez que le décor se trouve dans une ferme, hors de la ville. Mais où ? On est souvent déçu lorsque l’on met les pieds sur un décor de cinéma : on réalise que les cadrages trichent énormément et que tout est en réalité minuscule. Pas ici : la région entière, sur des dizaines de kilomètres, n’est composée que de collines verdoyantes. A perte de vue, de l’herbe verte sur un paysage vallonné. Vous avez l’impression de reconnaître les lieux à chaque virage, c’est un supplice. Mais vous savez que dans un peu plus de douze heures, vous y serez…


Un peu plus de douze heures après, justement, vous revoilà sur votre trottoir, toujours à faire le pied de grue dans les odeurs de soufre. Rotorua est une ville réputée pour ses phénomènes géothermiques. Alors oui, c’est incroyable, c’est impressionnant, aaaah, ooooh, des flaques d’eau bouillantes, des lacs multicolores, des geysers, des enfants Maori qui meurent ébouillantés en jouant entre les maisons (euh… véridique). Mais ça pue. CA PUE !
Et puis ça y est, il arrive. Un mini-van estampillé « Hobbiton » tourne au coin de la rue et se dirige vers vous.
AAAAAAAAAAAAH !!!


La suite demain.
Eh ouais, je fais du teasing. Je suis comme ça, moi.

1 commentaire:

  1. Raaah, la Nouvelle-Zélande !
    Raaah, Hobbitebourg !

    :jalousie:

    (Oui, je poste pour ne rien dire, mais je suis dégoûté, nah !)


    - Leto

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