jeudi 8 mars 2012

Chroniques de la Terre du Milieu - Hairy Feet (2)


Vous voilà donc assise dans un mini-van quelque peu bordélique, en compagnie d’un Maori pour le moins imposant. Vous allez toutefois vite découvrir qu’il est tout aussi génial et gentil qu’il est énorme.
Il coche votre nom sur sa liste et vous tend un papier à lire et à signer immédiatement : la close de confidentialité.

Alors voilà : vous n’êtes donc pas censée diffuser vos photos où que ce soit, ni même les montrer. Bien que ce point vous chagrine, vous comprenez la volonté de la production, et la respectez… même si vous avez la légère impression qu’entre la bande-annonce de «Bilbo le Hobbit» et les différents making-of qui courent sur internet, vous ne dévoileriez pas grand-chose d’extraordinaire. Vos photos restent donc sagement sur votre ordinateur, attendant le jour où les deux films seront sortis et où vous pourrez enfin les exhiber fièrement. Tant pis.
Mais vous n’êtes pas non plus supposée, si l’on en croit le texte, raconter ce que vous avez vu. Hmmm. Voici un point délicat. Avez-vous le droit d’écrire cet article ? Après avoir lu et relu la clause de confidentialité, vous en êtes arrivée à la conclusion suivante : vous n’avez pas le droit de parler de ce qui sera dans le film. Vous ne déflorerez donc rien et ne mentionnerez pas ce qui a été conçu, construit, filmé pour les deux volets de « Bilbo le Hobbit ». En revanche, il vous semble bien innocent de raconter comme se passe la visite, à quoi ressemblait votre guide, et les quelques anecdotes qu’il a pu vous raconter.
Ces réflexions peuvent paraître idiotes mais vous préférez vous poser la question : il serait dommage que l’on décide de vous attaquer et de s’en prendre à votre misérable compte en banque, qui suffirait à peine à payer un repas aux pontes de la Warner. Ou, pire, que l’on vous oblige à fermer votre blog.
Bien entendu, si l’heureux lecteur qui parcourt ces lignes estime qu’il y a un danger de mort imminent, il a tout fait le droit de faire part de son avis sur la question…

Retour à nos moutons (c’est de circonstance).
Vous signez la close, non sans frémir, et vous voilà partis. Vous êtes la première à monter à bord et avez donc l’occasion de bavarder un peu avec votre chauffeur ; quelle délicieuse surprise ! Il se trouve que le monsieur a participé à l’aventure du « Seigneur des Anneaux », et regorge d’anecdotes. Les deux heures de route que vous passerez en sa compagnie (une heure aller, une heure retour, tout de même) seront donc émaillées de souvenirs ravis et d’histoires incroyables. Vous êtes sur un petit nuage. Vous êtes pratiquement sûre qu’en l’écoutant, vous avez des étoiles dans les yeux et la bouche ouverte niaisement. Peut-être même un peu de bave aux lèvres. Tant pis – vous assumez.
Vous sympathisez avec les autres occupants de la voiture ; comme vous, certains voyagent seuls – leurs compagnons de route ne sont pas non plus de grands fans de la trilogie… (votre amie ne l’a pas vue). Vous voilà donc en grande conversation avec un Maori géant, un bel Anglais et une Polonaise. Etrangement, plus vous vous éloignez de Rotorua pour vous approcher de la Comté, plus le ciel se dégage... La journée va être belle !

Ce voyage en voiture est, pour vous, le plus surréaliste des voyages en voitures. Votre nouvel ami, Super-Chauffeur, vous parle de Peter, d’Orlando et des autres avec un naturel désarmant. C’est tellement étrange – votre conversation les rend réels. Ils sont vrais, ils existent. Ils ont parlé, ils ont rit avec la personne qui vous parle.
Super-Chauffeur a joué le rôle d’un Uruk-hai ; il est mort d’une flèche tirée par Legolas. Orlando Bloom est donc son super copain – il n’arrête pas de vous parler de lui. C’est surnaturel.
Toute sa tribu Maori (à Super-Chauffeur, pas à Orlando Bloom...) a d’ailleurs participé à la trilogie ; comme tous les Maoris, ils ont joué des Uruk-hai et autres méchants belliqueux. A l’entendre, vous avez l’impression que tout le pays a participé, ce qui n’est probablement pas loin de la vérité.
Peter (personne dans la voiture ne songe à demander « Peter qui ? », c’est amusant) est visiblement la personne la plus sympathique du monde, et Super-Chauffeur est intarissable. Il aime bien Peter, c’est toujours un plaisir de lui rendre service ; à sa demande, il a officié sur plusieurs postes, notamment en tant que garde du corps.
Normal, quoi.

Bercée par les histoires merveilleuses de votre chauffeur, vous arrivez à votre destination gonflée à bloc. La voiture se gare devant le café de la Comté, une bâtisse en bois servant de point de départ à la visite. Tout, autour de vous, n’est que collines verdoyantes et moutons. Rien d’autre à perte de vue que la nature. Le soleil brille, il commence à faire chaud, et vous êtes heureuse. « Heureux, E, R, E », comme dirait Roger Rabbit.

Vous embarquez dans un bus de type « bus scolaire américain », et laissez votre chauffeur au café ; un guide prend le relais. Nom de Zeus, le guide.
Pas étonnant qu’il ait eu le job : ce type est un Hobbit. Un vrai de vrai. Il est blond et ses cheveux frisés forment une épaisse tignasse. Et surtout, surtout… il marche pieds nus. Joyeux, convivial, tout content ; un bon Hobbit joufflu comme on les aime.
Et hop, c’est parti. Les lieux de tournage se situent au sein d’un grand domaine appartenant à des fermiers du coin. Techniquement, c’est une propriété privée ; le bus passe donc une barrière et pénètre dans les champs, ou plutôt les collines, où paissent des centaines de bestioles à quatre pattes. Tout le monde est fébrile et regarde par la fenêtre avec une impatience non contenue – on se croirait à la première visite du Jurassic Park, quand les dinosaures refusent de se montrer. Après quelques minutes de slalom sur des chemins de terre, entre vaches et moutons, où le guide vous explique que tel ou tel emplacement boueux servait à garer les camions ou les loges, le bus se gare enfin.

Vous y êtes. La Comté s’étend devant vous, et c’est immense ! Ce n’est pas un faux décor de film en carton-pâte – vous êtes VRAIMENT chez les Hobbits.
Le guide est un chic type, vraiment drôle. Il demande si votre petit groupe de touristes est composé de fans « normaux », ou de fans « fanatiques » ; vos petits camarades et vous, à l’unanimité, vous autoproclamez fans normaux. Pas d’hystériques qui font peur – tout va bien.
Chouette, dit le guide. Il va pouvoir en profiter pour vous raconter plein d’histoires sur les fans légèrement frappadingues qui ont visité les lieux. C’est comme au collège : se moquer des autres, ça créé des liens. Il est doué, ce guide. Voici donc les trois meilleures anecdotes.

3) Commençons avec la charmante histoire d’un charmant petit couple ; le guide n’a pas réussi à identifier leur langue, mais ce n’était certainement pas de l’anglais. La femme, en l’occurrence, ne le parlait pas du tout ; son mari lui traduisit donc intégralement la visite, au fur et à mesure. Mais pas dans leur langue, non. En elfique.

2) Un homme seul vint un jour visiter Hobbitebourg. Au lieu de suivre le guide et d’écouter ses explications, il alla s’asseoir sous l’arbre sous lequel lisait Frodon, et refusa catégoriquement de suivre le groupe. Le guide le laissa donc tranquille pendant qu’il emmenait les autres. Mais que faisait cet homme ? Eh bien il lisait, comme Frodon. Grand fan de Tolkien, il n’avait jamais vu la trilogie, et avait décrété qu’il irait lire « Le Seigneur des Anneaux » sous le fameux arbre, au cœur de la Comté ; s’il estimait qu’il était bien dans l’ambiance décrite par le livre, qu’il retrouvait les lieux tels qu’ils étaient censés être, alors il accepterait de voir les films.
Il a finalement été satisfait.

1) La meilleure anecdote est une anecdote luxueuse… Un fan est venu à la Comté et en a profité pour acheter une réplique de l’anneau à la boutique du café (pour ceux qui se posent la question, la bague en question valait huit-cents dollars néo-zélandais, soit environ cinq-cents euros). Il est ensuite allé s’offrir un vol en hélicoptère au dessus du Parc National du Tongariro, dont les célèbres volcans ont servi de décor au royaume de Sauron. La suite se devine aisément…
Il a jeté l’anneau dans le volcan.


La visite est un pur bonheur, comme chacun se doute. Le soleil cogne et, tartinée de crème solaire, vous suivez le groupe en mitraillant les lieux de vos deux appareils photos, tout en répondant aux petites devinettes que le guide vous pose sur les films. Vous êtes officiellement une touriste, une méga-touriste même, mais vous êtes à vingt mille kilomètres de chez vous, et il n’y a pas de témoins. Et puis, vous ne pouvez pas TOUJOURS jouer les blasées – vous êtes un être humain, tout de même.

De retour au café, on vous offre une collation (les Hobbits ont le sens de l’hospitalité), et vous en profitez pour acheter quelques souvenirs. C’est là que vous découvrez la Sobering – de sober + ring : la bière conçue spécialement pour le tournage.
Peter Jackson étant connu pour faire des dizaines de prises, la chose s’est avérée quelque peu problématique quand il s’agissait des scènes où les Hobbits boivent de la bière. Une brasserie locale a donc conçu une bière à un pour cent d’alcool, afin que les comédiens puissent éviter le coma éthylique au bout de dix prises.
Pour l’anecdote, c’est la bière la plus insipide que vous ayez jamais bue – mais c’est sans doute celle que vous avez bue le plus religieusement !


Au retour, dans la voiture, tout le monde n’a qu’un mot à la bouche : Bilbo. Le tournage est en cours, et tout le monde s’échange fébrilement des informations, chacun espérant croiser l’équipe du film dans son périple néo-zélandais.
La Polonaise vous explique qu’un ami à elle a bu un verre avec Ian McKellen dans un bar. L’Anglais connaît plusieurs personnes qui sont tombées sur Orlando Bloom. Tout le monde, en tous cas, s’accorde à dire que le tournage se fait sur l’île du Sud.
Super-Chauffeur vous dit de ne pas vous faire trop d’illusions : l’équipe s’éloigne toujours des routes principales, et le tournage n’est pas facile à trouver. C’est mal vous connaître, vous et votre légendaire chance malchanceuse.
Mais ceci est une autre histoire…

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