dimanche 14 mars 2010

Le Chômage.

Le chômage, c’est un peu comme un gros microbe. Oh, détrompez-vous : je ne dis pas cela parce que c’est contagieux, ou que l’on n’a pas envie de l’attraper.

Bon, d’accord, c’est le cas aussi. Mais chut ! C’est moi qui raconte.

Rappelez-vous de vos années d’école, de collège, de lycée. On est en plein milieu de la semaine, vous vous levez pour être à l’heure en cours ; et puis, la fièvre s’en mêle, ou la gastro-entérite, l’angine, la peste bubonique, peut-être même simplement un excès de mauvaise foi – quoiqu’il en soit, vous avez la bénédiction de vos parents, et vous restez au chaud chez vous.
Vous êtes là, loque humaine sur votre canapé, et vous regardez les minutes défiler lentement sur votre magnétoscope. Tout le monde est parti travailler. Vous êtes seul. Vous allumez la télévision – avec un peu de chance, l’écran est en veille, la télécommande est à côté de vous, et vous n’avez même pas à vous lever. Elle n’est pas belle, la vie ? Et là, pourtant… c’est le drame.
Il n’y a rien.
R.I.E.N.
L’heure des émissions matinales est passée ; les clips sont terminés depuis longtemps. Sur toutes les chaînes, tout ce que vous trouvez, c’est du télé-achat. Là, vous commencez à comprendre que la journée va être très longue, finalement.

Eh bien, le chômage, c’est un peu pareil. On se lève, le soleil brille, les oiseaux chantent, et voilà. Rien.
Passé le moment où vous aurez envoyé vos trois-mille-deux-cent-cinquante-sept candidatures quotidiennes, l’ennui commence. Si vous avez de la chance, vous habitez dans une ville où vous pouvez avoir une carte de cinéma illimitée, promesse de quelques heures d’évasion. Bien entendu, une fois que vous aurez vu les seize films sortis mercredi dernier (oui oui, tous, y compris ce petit film indépendant ouzbèke - mais si, vous savez, celui qui a gagné un prix à un festival chiant à l’autre bout du monde), l’affaire se corse.

Votre premier problème, c’est que vous adorez le cinéma. Votre second problème, c’est que vous êtes suffisamment inconscient pour être déterminé à en faire votre métier. Votre troisième problème, c’est que vous voulez être réalisateur. Votre méga-problème, c’est que vous n’avez pas de piston.

Vous avez terminé vos études depuis trop longtemps pour avoir une convention de stage, et il vous faut trouver un travail. Un travail payé.
Vous avez eu beau écrire à l’intégralité des membres de l’Association Française des Assistants-Réalisateurs, forcer les membres de votre famille à contacter le beau-frère de la femme du fils d’un client (qui serait donc, potentiellement, dans le métier), écrire à mille sociétés de production, jamais vous n’avez réussi à vous caser sur un tournage. Et en plus, vous êtes provincial ! Quelle drôle d’idée.

Vous écumez donc les sites spécialisés ; vous êtes même inscrit au Pôle Emploi Spectacle, et vous êtes prêts à tout pour ne serait-ce que distribuer des gâteaux secs dans des salles de montage.

Oh ! Vous venez d’actualiser votre messagerie pour la vingt-deuxième fois (de l’heure, pas de la journée. Voyons !) Et, miracle ! Vous avez une réponse à l’une de vos candidatures ! Fébrile, vous l’ouvrez.
Bon, ce n’était pas encore la Paramount, mais cette petit boîte de prod’ à l’autre bout de la région parisienne, c’est mieux que rien. Au moins, vous restez dans votre domaine. Même si vous voulez être réalisateur, et qu’il s’agit d’un poste d’assistante de production. Même s’ils ne produisent que des films institutionnels pour des cabinets comptables. Même si, malgré votre bac + beaucoup, c’est payé au SMIC.

C’est mieux que le McDo – cette phrase est votre nouveau mantra.

Vous vous voyez déjà, allant fièrement travailler tous les matins, recevant un chèque à chaque fin de mois. Bien entendu, vos collègues ont tôt fait de repérer votre talent, et le boss croit tant en vous qu’il décide de vous produire un court-métrage. Vous l’écrivez, le réalisez, et paf ! Vous êtes nominés à l’Oscar du meilleur court-métrage. Tout ça grâce à une petite annonce sur Internet.

Vous lisez le message.

« Bonjour, nous vous remercions de l'attention que vous avez bien voulu porter aux Films Du ***** (ah, oui : même la plus obscure des boîtes de production se doit d’avoir un nom qui appâte). Après avoir longuement étudié votre candidature, nous avons le regret de vous informer que le poste a été pourvu » (réponse type numéro un).
« Nous avons étudié attentivement votre candidature et, malgré ses qualités, nous sommes au regret de vous annoncer que nous n'avons pas pu la retenir » (réponse type numéro deux).
Et, ma préférée, la réponse type numéro trois : « Votre profil ne correspond pas tout à fait à ce que nous recherchons ». Au moins, elle a le mérite d’être honnête. Car vous savez très bien qu’être diplômé d’une école d’audiovisuel ne suffit plus pour être assistante de production. Si vous pouviez parler cinq langues, être également diplômé en comptabilité et avoir huit ans d’expérience, ce serait un peu mieux. Et, malheureusement pour vous, ces gens là existent, visiblement.

Puisque vous n’avez pas de « piston », puisque vous êtes condamné à déprimer dans votre appartement en attendant que l’un de vos amis réussisse et vous propulse au firmament (ce qui, finalement, est tout aussi probable qu’un entretien d’embauche), pourquoi ne pas, finalement, mettre ce temps à profit pour faire ce que vous préférez, et écrire ?
Et c’est comme ça que l’on se retrouve à saouler des internautes en racontant des conneries sur un blog.


Vous ne me croirez probablement pas si je vous dis que j’ai reçu une réponse type numéro un pendant la rédaction de ce billet…

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