mercredi 3 novembre 2010

La vie, la mort, et Jurassic Park.

J’adore le Japon. Non, pire que ça – je rêve désespérément d’aller au Japon. Le pays du Soleil-Levant se situe dans le Top Ten de mes fantasmes exotiques, aux côtés de « aller à Los Angeles pour un rendez-vous professionnel » et « aller à l’aéroport de Wellington pour y voir Gollum ». Vous imaginez ? Ce n’est même pas pour une raison cinématographique, c’est dire. Il va de soi que non, je n’ai pas de mèches roses assorties à mes chaussures compensées d’inspiration érotico-mangaïesque. Oh, je ne renie pas un bon manga de temps à autres, et je pourrais mourir pour un bon restaurant (je suis un être humain, tout de même), mais je ne suis pas du genre à attendre trois heures sous la pluie pour entrer à Japan Expo en écoutant de la pop japonaise (même si, avouons-le, Berryz Kôbô, c’est cooooool). C’était une précision nécessaire…
Quoiqu’il en soit, j’aime le Japon. Aussi avais-je été interpellée par la façon dithyrambique dont mon professeur d’Histoire de l’Art nous parlait de « Hiroshima, mon amour », d’Alain Resnais. Il en parlait… amoureusement, justement. Alléchée par l’histoire (et par les propos de l’être diabolique, donc), je me rendis, sans préjugés, au cours durant lequel nous devions assister à la projection du film. En fait, j’étais même persuadée d’adorer…
Alors pardon, Monsieur Resnais, pardon. Mais ce fut long, interminable et douloureusement, abominablement soporifique. Je ne crois pas avoir ressenti autre chose que de la peur. Oui, de la peur : mon Dieu, que m’arrive-t-il ? Suis-je si différente des autres êtres de mon espèce ? Pourquoi n’ai-je pas les mêmes… préférences ?
Je n’étais pas seule, comme je le découvris dans le regard effaré de quelques uns de mes condisciples (très peu – nous sommes en France, ne l’oubliez pas). Or, je me souviens tout de même (ha, ha, ha) que l’une de mes petites camarades avait pour habitude de clamer haut et fort sa vénération pour cette œuvre. Cette jeune demoiselle, vêtue comme une « artiste », était fière de dire que ce film avait changé sa vie. Hmmmmm (bruit dubitatif). Ayant pris connaissance de la chose (disons, du long-métrage), je commençais à douter quelque peu de la sincérité de ses propos…

Que voulez-vous ? Les étudiants en cinéma se croient obligés de citer des classiques – souvent les pires – lorsqu’il leur est demandé de citer leur film préféré. Ce n’est pas forcément méchant ou prétentieux… Il nous est simplement physiquement impossible de dire « Bonjour, je suis là parce que j’ai vu « Terminator 2 » quarante-trois fois en quinze ans et que j’aimerais en réaliser une énième séquelle ». Comme nous l’avons déjà vu, nous ne somme pas formatés en ce sens…
J’ai récemment eu droit, pour la trois-cent-quarantième fois, à la grande question.

Jeune étudiant
Et alors, ton film préféré ?

Vieille créature aigrie
« Jurassic Park » – et toi ?

Jeune étudiant
Moi ? En ce moment, je dirais « Ascenseur pour l’Echafaud », de Louis Malle…

Vieille créature aigrie (qui passe, alors, pour une débile mentale)
Hmmmmmmm.

« En ce moment » ? Comment ça, « en ce moment » ? On a un film préféré ou on ne l’a pas ! Et au diable les préjugés. Quand on vieillit, on apprend à assumer… Bon, surtout quand on quitte l’école, en fait, et que l’on n’a plus peur que la STASI nous dénonce au professeur d’Histoire de l’Art.


« Jurassic Park » a été diffusé une énième fois cette semaine, et, comme à chaque fois, vous avez un petit pincement au cœur. Pas un petit pincement de regret, non, un petit pincement d’affection. JP, c’est un membre de votre famille, quelque chose de plus familier que votre grand-tante ou que vos cousins. Vous avez grandi avec JP, et il vous a accompagnée tout au long des grands moments de votre vie. La veille de votre entrée à l’Ecole (hasard extraordinaire, tout de même !), il a été diffusé – vous aviez pris ça comme un signe divin. C’est à lui que vous devez le début de votre grande histoire amoureuse (oui, on peut « pécho » avec JP). Vous le connaissez par cœur, vous l’avez parodié, vous l’avez vu mille fois et pourriez le revoir mille autres. JP vous consolera toujours quand vous allez mal, et JP vous donnera toujours l’impression d’être à la maison si vous êtes loin. Et puis, il faut bien l’avouer : on ne s’ennuie jamais avec JP.
Vous avez toujours peur quand le sol tremble à nouveau et que Ian Malcolm rappelle ses camarades à la Jeep. Vous stressez toujours quand la Petite Futée rend difficile l’accès à la remise. Vous avez toujours un frisson d’angoisse quand vous voyez de la gelée verte. Et vous rêvez toujours au moins une fois par mois que vous êtes poursuivie par des Raptors / un T-Rex / les deux (bon, d’accord, là, c’est peut-être pathologique).

That’s entertainment !

Le prénom du héros de votre premier film d’école n’était autre que Ian.
Vous citez au moins une fois par jour, la plupart du temps de façon inconsciente, une réplique de « Jurassic Park » (ou hum, parfois, aussi, de « Independance Day ». Mais vous n’y pouvez rien si Jeff Goldblum a eu tant de bons rôles, et joue tellement bien le joyeux cynique blasé. Gloire à Jeff Goldblum).
Tout ce que vous avez retenu de « The Social Network », c’est que Joseph Mazzello était le troisième colocataire au fond à droite. Joseph qui ? Ben, Tim. Le petit garçon qui a vomi dans la voiture.
Voiture que vous vous êtes d’ailleurs jurée de posséder un jour, même si rouler dedans impliquera probablement de vous faire jeter des cailloux (certaines mauvaises langues s’appliquent depuis des années à vous faire comprendre que vous auriez l’air ridicule, pour ne pas dire franchement con).
S’il vous arrivait de vous marier (une aberration hautement improbable, mais on ne sait jamais), vous souhaiteriez remplacer la marche nuptiale par le célèbre thème de John Williams. Une affirmation véridique, même s’il est vrai que vous hésitez un peu depuis qu’un ami l’a dénommée « la marche des dinosaures »…

Toute votre vie, je vous dis.

Alors qu’une petite péronnelle ose prétendre qu’elle est là parce qu’elle a vu « Hiroshima mon Amour » étant petite… cela vous fait bien rire, et vous ne pouvez vous résoudre à y croire. Ou alors elle n’a vraiment, vraiment pas eu une enfance normale.

Ou, pire encore, VOUS n’êtes pas normale. Mais ceci reste encore à déterminer.



(Pour en revenir à ma digression originelle… Puisque vous ne l’avez pas demandé – mon fantasme exotique très précis impliquant le Japon est le suivant : « Lire un roman de Haruki Murakami au Japon ». Gloire à Haruki Murakami).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire