mardi 10 mai 2011

Back to the Future.

Votre semaine a consisté en une multitude d’activités toutes plus décérébrées les unes que les autres que n’aurait pas reniées cette pétasse de Carrie Bradshaw. Visite annuelle chez le coiffeur, un détour par le pressing ; vous vous faites les ongles des mains ET des pieds (mille excuses, ô lectorat masculin), et passez une heure à vous épiler les jambes.

Non, vous n’allez pas jouer dans « Bridget Jones 3 » - plutôt dans « Apocalypse Now », en fait : vous retournez au Festival de Cannes !

Pendant que l’infâme machine du diable dévore la chair tendre et diaphane de vos malheureux mollets, vous vous surprenez à rêvasser. Pourtant, vous savez pertinemment que vous n’avez pratiquement aucune chance de repartir avec des contacts ou, mieux, du travail. Vous vous promettez cependant d’essayer de faire au mieux. Après tout, quitte à se ruiner, autant optimiser la chose. Si vous pouviez seulement vous dégoter un petit producteur pour vos deux prochains courts métrages… (A défaut, vous accrocher à la jambe de Jude Law, membre du jury, suffira).

Mais qu’allez-vous donc faire à Cannes ?

Eh bien, il se trouve que, à votre grande joie, votre court-métrage a été accepté au Short Film Corner. Vous avez donc loué un studio avec d’autres apprentis réalisateurs, intérimé non-stop pour essayer de renflouer votre compte en banque d’artiste, et êtes même allée jusqu’à créer des flyers et un site internet pour votre film, qui n’en demandait pas tant. OP-TI-MI-SER !

Vous avez, il faut bien l’admettre, été fort déçue par la réaction de certains de vos petits condisciples. En province, pour votre famille et vos amis, vous avez une chance incroyable, et tous vous envient – vous êtes pratiquement partie sous les vivats de la foule. Alors qu’à Paris… La plupart des festivaliers que vous avez croisés affichent une nonchalance insolente et aiment à décréter, blasés, que « n’importe qui peut aller au Short Film Corner ».
Vous avez horreur, comme toujours, de cet apparent manque de passion et d’enthousiasme, de cette bourgeoisie cinématographique qui ne réalise même plus sa chance. Hé, les mecs – c’est Cannes ! Nous avons tout de même la chance de vivre dans le pays organisateur du plus grand festival du monde (« ce qui compense quelque peu le niveau de la production nationale », pensez-vous en éclatant d’un rire sadique), un fait que beaucoup de cinéastes en herbe péruviens, thaïlandais ou eskimos nous envient probablement. Et puis, allez donc dire à tous ces gens qui passent des heures à attendre derrière des barrières, devant le Carlton ou tout autre misérable endroit où l’on vous fait bien comprendre que vous n’êtes pas invité à la fête, qu’il est FACILE de participer ! De votre point de vue, réunir de quoi réaliser un court-métrage ou mieux, se faire produire, mener le projet à bien et, enfin, dégainer les quelques quatre-vingt-quinze euros nécessaires à l’inscription n’est pas chose facile, non. Vous avez été derrière ces barrières, vous aussi, et vous auriez aimé que quelqu’un triche pour vous en inscrivant son œuvre, et vous crédite en tant qu’actrice dans un film où vous n’apparaissez pas, en tant qu’animatrice dans un film sans animation, tout cela dans le but de vous faire bénéficier d’une accréditation… (oui, le trafic d’accréditation est, vous l’avez découvert, très répandu). Vous ne comprenez pas cette suffisance idiote qui empêche vos congénères de laisser exploser leur joie et de faire la danse de la pluie tous nus en chantant la chanson de la victoire.

Vous avez reçu un email du Short Film Corner expliquant en long et en large qu’être accepté est un gage de qualité, et que vous avez donc obtenu le droit d’apposer le précieux logo sur votre affiche. En somme, cela veut bien dire, tout de même, que votre court-métrage n’est pas un film de vacances amateur. Tout cela, c’est un peu comme le Label Rouge pour la viande, finalement. Vous êtes un beau morceau de viande fraîche, pas un steak haché surgelé de marque distributeur. Non mais oh.

Le fait est que vous êtes ruinée, fatiguée mais hystérique. Même si vous n’êtes que l’un des mille huit cent films courts présentés, et sans aucun doute pas le meilleur, même si vous n’êtes toujours rien, hé bien vous avez une accréditation, un beau badge clamant haut et fort à la face du monde que vous aussi, vous faites partie de tout ça. Alors franchement, on se sort le balais des fesses et on lève les bras : elle est pas belle, la vie ?


(Oh et puis merde. Au moins, il y a la mer !)

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